Une enquête captivante a révélé des éléments éclairants : la cartographie mondiale des "Radicalités religieuses", publiée le 8 octobre par les éditions Albin Michel sous la direction d'Alain Dieckhoff, directeur de recherches au CNRS (CERI/Sciences Po), offre des perspectives précieuses pour comprendre l’effervescence du religieux dans le monde. Grâce aux contributions d'excellents spécialistes, cet ouvrage permet d'apporter des clés de lecture sur une question cruciale du XXIe siècle.
EN BREF
- Le retour en force du religieux dans le débat public à l'échelle mondiale.
- Les mouvements religieux radicaux se développent dans un contexte de sécularisation.
- Des acteurs politiques utilisent la foi pour maximiser leur influence sociale.
Si la sécularisation continue de progresser quant à la pratique religieuse, on observe un retour marqué du religieux dans l’espace public, souvent instrumentalisé par des acteurs politiques tels que Vladimir Poutine, Donald Trump ou Narendra Modi. Ces leaders manifestent un intérêt croissant pour des identités religieuses dans leurs discours et actions.
Alain Dieckhoff souligne que l’on a eu tort de penser que la modernité marginaliserait définitivement le religieux. Au contraire, ce dernier réémerge dans l’espace public et s’organise sous des formes souvent radicalisées. Des exemples récents illustrent ce phénomène : la création par Donald Trump d’un "bureau de la foi" dans la Maison-Blanche ou le bain rituel de Narendra Modi lors de la Kumbh Mela, un immense pèlerinage hindou.
Dans le Moyen-Orient, des groupes tels que le Hamas justifient des actes violents au nom de la foi. Simultanément en Israël, des rabbins militaires décrètent que la guerre à Gaza est une volonté divine. Ces exemples démontrent comment différentes religions tentent de s'imposer dans la sphère publique, rendant ainsi la frontière entre le religieux et le politique de plus en plus floue.
Cependant, un contraste intéressant est mis en lumière par des études récentes, comme celle publiée dans Nature Communications, qui conclut à une baisse de l'importance du religieux, bien que ce déclin ne soit pas global et souvent inégal. Cette analyse de la sécularisation repose sur trois dimensions : la diminution des pratiques religieuses, la différenciation des sphères et la privatisation de la religion.
Radicalités sous différentes formes
Le terme “radicalités” a été choisi pour son efficacité à désigner des mouvements religieux aux positions plus affirmées, allant au-delà du simple fondamentalisme ou intégrisme. Ces courants incluent le salafisme, l’évangélisme, ou encore le bouddhisme militant, qui se revendiquent d'un retour aux racines de leur foi.
Ce livre explore principalement deux types de radicalités. La première, piétiste, cherche à défendre une foi authentique sans ambition politique, incluant des groupes tels que les catholiques traditionnalistes et les juifs ultra-orthodoxes. La seconde, plus activiste, vit en intervenant vigoureusement dans la sphère publique avec le désir de fonder des États basés sur des préceptes religieux, comme avec les Frères musulmans ou diverses sectes chrétiennes identitaires.
Dynamique démographique et religieuse
Un autre aspect à ne pas négliger est la dynamique démographique. Par exemple, en Israël, les communautés ultra-orthodoxes, qui constituent actuellement 12 % de la population, pourraient représenter jusqu'à 20 % d'ici 2040, alimentées par des familles très nombreuses. Cette croissance autorise ces mouvements à revendiquer une influence sociale plus marquée.
La situation en France mérite également d'être examinée, avec une hausse notable des demandes de baptêmes parmi les jeunes adultes. Bien que ce phénomène soit réel, il doit être placé dans le cadre d'une déchristianisation plus large, où les baptêmes d'enfants ne sont plus automatiques, soulignant une transformation des pratiques religieuses tout en interrogant le rapport à la foi.
Nationalismes religieux en plein essor
Enfin, l’intrication des sphères religieuse et politique soulève des problématiques nouvelles, notamment l'émergence d’un nationalisme religieux. Ce terme indique une utilisation stratégique de la religion par des acteurs politiques, visible dans le discours de Donald Trump célébrant le retour de la religion en Amérique.
De même, au Moyen-Orient, des mouvements religieusement motivés seraient de plus en plus impliqués dans la définition de l'État. Ces évolutions témoignent d'un besoin grandissant de communiquer un projet politique qui s'enracine dans une identité religieuse, rendant ainsi le religieux incontournable sur la scène mondiale.
Ces développements complexes soulignent la nécessité d'une réflexion approfondie sur l'interaction entre la foi, la politique et la société. La prise en compte de cette dynamique devient primordiale pour anticiper les évolutions futures dans le paysage mondial.