Comment une entreprise de 27 employés, disséminés entre New York, Romainville (Seine-Saint-Denis) et Kiev, a-t-elle réussi à se démarquer aussi rapidement dans l'industrie de défense ? Depuis sa création en janvier 2024, Alta Ares bouleverse le paysage traditionnel de la base industrielle et technologique de défense (BITD) française en se spécialisant dans l'intelligence artificielle (IA). Face à l'urgence des besoins sur le terrain, notamment en Ukraine, cette société a identifié une nécessité cruciale : optimiser l'analyse des vidéos transmises par les drones. En raison de la fatigue et du stress des opérateurs humains, l'identification de menaces—qu'il s'agisse d'un canon camouflé ou d'un soldat en infiltration—devient vite problématique. L'IA d'Alta Ares, capable d'apprendre à partir des milliers de vidéos analysées quotidiennement, se présente comme une solution incontournable.
EN BREF
- Alta Ares se spécialise dans l'IA pour soutenir les opérations militaires en Ukraine.
 - La société a remporté un appel d'offre de l'Otan avec sa solution de protection contre les drones.
 - Elle prévoit de produire 400 drones intercepteurs pour l'Ukraine, répondant à des normes sans reliance chinoise ou russe.
 
La lutte contre les drones est devenue une priorité pour Alta Ares. Chaque nuit, la Russie envoie des centaines de drones Shahed, ciblant les infrastructures énergétiques et les populations civiles en Ukraine. Cette situation exacerbée pose un défi : les missiles sol-air, bien que livrés par les pays occidentaux, sont plus rares et coûteux comparativement aux drones, dont la production atteint 7000 unités par an.
Une réponse innovante à l'appel de l'Otan
Il y a environ six mois, Alta Ares a pris part à un appel à propositions organisé par le Joint Analysis, Training and Education Centre (Jatec) de l'Otan, basé en Pologne. Hadrien Canter, le fondateur et dirigeant de l'entreprise, se rappelle de ce moment : « Nous devions trouver une solution pour contrer la menace des drones. » En compétition avec une quarantaine d'autres participants, Alta Ares s'est démarquée en proposant un dôme tactique de protection, une plateforme modulaire et multicouche intégrant des radars—notamment ceux de Thales—et des drones intercepteurs ukrainiens à décollage vertical.
Cette solution comprend l'IA Pixel Lock, qui permet aux drones de détecter et d'intercepter les menaces en autonomisant le processus de guidage. La portée opérationnelle de ce dôme de protection s'étend à environ 18 kilomètres, fournissant une couverture précieuse sur le champ de bataille.
« Cette solution est déjà déployée en Ukraine depuis plusieurs mois et a été éprouvée lors d'essais sur les sites de la DGA à Biscarrosse, » souligne Hadrien Canter. Actuellement, sans l’assistance de l’IA, les drones intercepteurs jouissent d’un taux de réussite de seulement 35 à 45 %. Avec l'optimisation par l'IA, ce chiffre pourrait atteindre jusqu'à 65 %, et l'entreprise vise 75 % d'ici 2026. Toutefois, pour garantir cette efficacité, un réseau de radars supplémentaires sera essentiel.
Au-delà de la technologie, Alta Ares envisage également de renforcer ses capacités de production. Dans l'ouest de la France, l'entreprise planifie d'assembler 400 drones intercepteurs, ceux-ci étant exemptés de composants chinois ou russes. Bien que l’Ukraine ait su apprécier l’input d’Alta Ares, des interrogations subsistent quant à l'implantation de l'entreprise en France. « Nous avons eu des échanges avec l'Agence de l'innovation de défense (AID), mais le commandement pour le combat futur (CCF) est vraiment notre interlocuteur principal. Nous les contactons chaque semaine, » indique Hadrien Canter.
Le modèle d'affaires d'Alta Ares, alliant innovation technologique et nécessité opérationnelle, incarne l'avenir des technologies de défense. Il est intéressant de se demander comment d'autres entreprises françaises pourront s'inspirer de ce succès pour se réinventer dans un secteur où la rapidité d'adoption de nouvelles solutions peut faire toute la différence.