Un nombre croissant de Français se retrouve chaque mois dans une situation financière délicate, dépendant intégralement de leur découvert bancaire pour couvrir leurs dépenses quotidiennes. Cette réalité engendre un véritable stress financier et soulève des questions sur la viabilité de tels dispositifs dans un contexte économique fragile.
EN BREF
- 31 % des Français seraient à découvert au moins une fois par an.
- La nouvelle réglementation européenne vise à encadrer les découverts pour éviter le surendettement.
- Les personnes concernées vivent souvent dans l'angoisse et la précarité financière.
Dans une récente déclaration, Isabelle*, une quinquagénaire, a partagé son inquiétude face à des rumeurs sur une "interdiction prochaine" des découverts bancaires. "Dès que ça touche au porte-monnaie, c'est un peu la panique", confie-t-elle. En réalité, aucune interdiction n'est prévue, mais plutôt l'application d'une nouvelle réglementation européenne entrant en vigueur en novembre 2026. Cette dernière imposera un contrôle de la solvabilité pour accorder des autorisations de découverts de 200 euros ou moins, et pour une durée ne dépassant pas un mois. Pour les clients comme Isabelle, ayant déjà un découvert autorisé auprès de leur banque, rien ne changera.
Isabelle est fonctionnaire territoriale et a rencontré ses premières difficultés financières en 2000, peu après le décès de son époux. Elle se retrouve alors seule pour élever sa fille de neuf ans. Éprouvée par les années, elle a dû souscrire à des crédits à la consommation, alourdissant un fardeau financier déjà lourd. À ce jour, sa banque lui accorde un découvert de 900 euros, pour un coût exorbitant : elle paie entre 15 et 30 euros tous les trois mois en agios, une somme qui contribue à son sentiment d’étouffement.
"C'est déjà arrivé que je dépasse ce seuil, et ça coûte cher en commissions d'intervention," souligne-t-elle. Pour gérer son budget, Isabelle utilise une application qui lui permet de suivre chaque dépense. "Je trouve des prétextes pour ne pas sortir avec mes collègues," avoue-t-elle, vivant sa situation dans l'ombre, difficile d’en parler même à ses proches.
Isabelle*, 58 ans
Selon un sondage réalisé par MoneyVox en août, 31 % des Français se retrouvent à découvert au moins une fois par an, dont près de 8 % chaque mois. Parmi ces personnes, Thierry*, 61 ans et domicilié en Savoie, témoigne également d'une précarité persistante, souffrant d'une maladie inflammatoire qui limite ses capacités. Avec une pension d'invalidité de 1 300 euros mensuels, il se déclare en "mode survie" permanent.
Thierry*, 61 ans
Thierry, qui a un découvert autorisé de 800 euros, doit payer mensuellement pour ce service. Survécu par des achats très limités, il qualifie sa situation de vulnérabilité extrême. Il a, par le passé, bénéficié d'une aide alimentaire, mais celle-ci n'existe plus. "Il me faut compter chaque centime dépensé," déclare-t-il, illustrant l'angoisse qui l’accompagne.
De nouvelles règles bancaires sont mises en place pour protéger les consommateurs, mais Thierry s’interroge sur leur pertinence. "Pour moi, un crédit à la consommation signifie vivre au-dessus de ses moyens. Ce n'est pas ma réalité ; je fais des crédits pour survivre," indique-t-il, conscient que sa dépendance à ces lignes de crédit peut le précipiter dans une situation plus précaire.
Cette perception du découvert bancaire suscite des réflexions sur la manière dont les Français voient leurs finances. Jeanne Lazarus, sociologue et chercheuse au CNRS, explique que le découvert n'est souvent pas perçu comme un crédit, mais comme un simple soutien en fin de mois. "Pourtant, cela coûte de l'argent le mois suivant et peut affecter négativement les revenus sur le long terme," met-elle en garde.
Pour beaucoup, la réalité est tout autre. Stéphanie*, assistante maternelle de 37 ans, utilise son découvert de 1 000 euros presque chaque mois pour gérer son foyer. "Notre loyer et les crédits sont ce qui nous met dans le rouge," souligne-t-elle. Cette situation entraîne des tensions au sein de sa famille, causant des disputes et un stress constant autour des questions d'argent.
* Les prénoms ont été modifiés.
Ce constat met en lumière l'ampleur d'un problème qui, malgré les nouvelles réglementations, persiste et fragilise de nombreuses familles. La gestion des finances, déjà délicate, est devenue une source d'angoisse quotidienne pour des millions de Français, souvent isolés face à leurs difficultés.