Ce lundi 6 octobre, l'ⁱUnesco a procédé à une élection qui marque un tournant significatif dans l'organisation. À 18 heures, les 58 pays membres du conseil exécutif se sont rassemblés autour de leur table de négociation à Paris pour choisir le nouveau directeur général. Le résultat, peu surprenant, a vu l'Égyptien Khaled el-Enany, ex-ministre des Antiquités et du Tourisme, s'imposer avec une large majorité de 55 voix dès le premier tour.
La candidature de Khaled el-Enany n'est pas survenue par hasard. Durant plus de deux ans, il a mené une campagne intense avec l'aide active de la diplomatie égyptienne, réalisant au total 65 déplacements et rencontrant des représentants des États clés. Son prédécesseur, Audrey Azoulay, avait connu un parcours semé d'embûches en 2017, où des rivalités géopolitiques avaient effacé les espoirs des candidats arabes. Aujourd'hui, fort de son expérience, Khaled el-Enany va entrer en fonction le 15 novembre, après approbation de sa nomination par l'assemblée générale.
EN BREF
- Khaled el-Enany, ancien ministre égyptien, est élu directeur général de l'UNESCO avec 55 voix.
- Sa campagne a duré plus de deux ans, marquée par de nombreux déplacements diplomatiques.
- Il devra gérer des défis majeurs, notamment le retrait financier américain à l'horizon 2026.
Au-delà de la satisfaction d'avoir remporté l'élection, un défi colossal l'attend. Khaled el-Enany devra naviguer à travers une bureaucratie complexe dans une organisation où les priorités sont multiples : la préservation du patrimoine en péril, l'éducation, et la sauvegarde des milieux naturels, le tout avec un budget de plus en plus restreint en raison du retrait programmé des États-Unis. En effet, après 2026, ceux-ci mettront fin à leurs contributions, qui représentent 22 % des financements totaux de l'organisation.
Un candidat pour tous
Pendant sa campagne, Khaled el-Enany a cherché à rassurer ses homologues des autres États membres, en insistant sur le fait qu'il ne serait pas perçu comme un représentant exclusif du monde arabe. Ce subtil équilibre sera essentiel pour maintenir le consensus autour de questions sensibles comme le conflit israélo-palestinien.
Il a ainsi promis de rencontrer tous les membres dans les cent premiers jours de son mandat—une stratégie visant à renforcer la coopération et à éviter le reproche formulé envers Audrey Azoulay, qui n'avait pas assez dialogué avec les États membres.
Les relations au sein du conseil exécutif sont souvent grandement influencées par des personnalités aux opinions divergentes. Véra El Khoury Lacoeuilhe, présidente du conseil et ancienne candidate contre Azoulay, s'est souvent opposée aux décisions en matière de financement, ce qui pourrait créer un climat tendu à l'avenir.
Des enjeux de pouvoir subtils
L'UNESCO est un terrain miné où les luttes d'influence se mêlent à des enjeux de financement de plus en plus pressants. La Chine, aujourd'hui premier contributeur financier, a su asseoir son soft power au sein de l'organisation, s'efforçant d'en accroître le rôle des pays du Sud.
À l'échelon local, les défis restent aussi complexes. Les décisions concernant le patrimoine mondial, qu'il soit matériel ou immatériel, se heurtent parfois à des rivalités historiques entre États. Chaque ajout à la liste des sites classés peut réveiller de vieilles querelles diplomatiques.
Des perspectives de financement incertaines
Avec le retrait américain et la diminution des contributions obligatoires, l'UNESCO doit revoir sa stratégie. Les budgets sont en baisse, ce qui force l'organisation à prendre des décisions difficiles sur les priorités. Néanmoins, Khaled el-Enany envisage des partenariats public-privé pour accroître les ressources disponibles.
Avant même d'assumer ses nouvelles fonctions, il a déjà imaginé des solutions pour dynamiser le financement, tout en s'inspirant de modèles comme l'UNICEF. Des initiatives mettant en relation les États membres et la direction pourraient naître, tout cela pour revitaliser une organisation souvent perçue comme un véritable « mammouth » bureaucratique.
Dans ce contexte complexe, le nouveau directeur général devra donc s'efforcer de jongler habilement entre les intérêts de multiples parties prenantes, tout en préservant l'esprit original de l'UNESCO, qui est avant tout une institution dédiée à la promotion de la culture, du savoir et de l'éducation à travers le monde.