Un feu vert judiciaire soulève des inquiétudes. Contre toute attente, un narcotrafiquant de 52 ans, considéré comme l'un des 100 détenus les plus dangereux de France, bénéficiera d'une permission de sortie « employeur » ce lundi. Validée le 21 novembre par la chambre d'application des peines de la cour d'appel de Douai, cette autorisation lui permettra de rencontrer un potentiel employeur en région lyonnaise. Cette démarche, présentée comme une initiative de réinsertion, semble, pour beaucoup de professionnels, relever de l'invraisemblable.
EN BREF
- Un narcotrafiquant bénéficie d'une permission de sortie, malgré les alertes des autorités.
- Son évasion en 2014 avait marqué les esprits, révélant des failles dans la sécurité pénitentiaire.
- Réactions vives des autorités et des syndicats, jugeant cette décision absurde et déconnectée.
Cette décision intervient en dépit des avis contraires du chef d'établissement de la prison de Vendin-le-Vieil et du parquet de Béthune, qui ont tous deux formé un recours. Celui-ci a été sèchement écarté par les magistrats de Douai. La permission, banale en théorie, est inédite pour un tel profil, et se déroulera sans escorte. L'épouse du détenu prendra en charge le trajet aller-retour dans la journée vers le Pas-de-Calais.
Un parcours criminel marqué par une évasion
Originaire de la Cité des 4000 à La Courneuve, l'individu est considéré comme un des parrains historiques du trafic de stupéfiants en Seine-Saint-Denis. Son casier judiciaire comporte plusieurs condamnations lourdes, dont une peine de huit ans de prison infligée en 2012 pour « trafic de drogue » et « association de malfaiteurs ». À cette occasion, il avait également écopé d'une amende de 50 000 euros et d'une interdiction de séjour en Seine-Saint-Denis.
Cependant, c'est son évasion spectaculaire du 4 juin 2014 qui l'a définitivement inscrit dans le paysage du crime organisé. Escorté par quatre surveillants non armés lors d'un examen médical à l'hôpital de Saint-Denis, il a été arraché par un commando armé au moment de remonter dans son fourgon. Cette évasion a été suivie de quinze jours de cavale, avant son interpellation au Blanc-Mesnil.
Lors de son procès, il avait exprimé son désespoir : « J'en peux plus, quand est-ce que je vais faire ma vie ? J'ai 42 ans, j'en ai pour 25 ans de prison. J'ai tué quelqu'un ? J'ai volé quelqu'un ? C'est du stupéfiant, rien que du stupéfiant ! » Cette déclaration, rapportée par TF1, témoigne de l’angoisse qui l’habite. Son parcours carcéral l’a conduit du Sud-Ouest à Vendin-le-Vieil, au sein du quartier de lutte contre la criminalité organisée (QLCO), avec une libération prévue pour 2029.
Des critiques virulentes face à la décision judiciaire
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, s’est exprimé sur la tempête médiatique entourant cette décision. Bien qu'il n'ait pas commenté la décision elle-même, il a évoqué, sur le réseau X, que cet « épisode met en lumière » un système judiciaire jugé inadapté à la « grande criminalité organisée ». Le garde des Sceaux plaide pour des outils juridiques renforcés pour les individus particulièrement dangereux, demandant la création d'une juridiction spécialisée qui connaîtrait mieux ces profils à risque.
Les réactions syndicales ne se sont pas fait attendre. L'Ufap-Unsa Justice a dénoncé une « décision totalement déconnectée des exigences, des réalités et des contraintes » subies quotidiennement par le personnel pénitentiaire. Le syndicat va même plus loin en qualifiant cette permission d'« incompréhensible » et décredibilisant le régime QLCO, mettant en exergue l'absurdité d'un système qui semble avoir perdu de vue ses priorités fondamentales.
Dans ce contexte troublé, l'affaire soulève des interrogations profondes sur la manière dont la justice traite les grands criminels en France. Le débat est lancé et la question de la réinsertion des détenus, en particulier ceux ayant un passé aussi lourd, semble plus que jamais pertinente.