La nuit de vendredi à samedi, un fait marquant et inélu dans l’histoire de la Ve République s'est produit : la quasi-totalité des députés a rejeté le budget de l'État. Ce vote, qui n’a guère surpris les observateurs, crée une incertitude sur l’adoption de ce budget avant la fin de l’année. En tout, 404 députés se sont opposés à la partie "recettes" du texte durant plus de 125 heures de débats parfois vifs, ainsi que des discussions autour de la fiscalité du patrimoine et des grandes entreprises, un désaveu sans appel qui emporte l’ensemble du projet de loi, sans même un examen de la partie “dépenses”.
EN BREF
- Rejet quasi total du budget de l'État par l'Assemblée.
- Des divisions au sein du camp gouvernemental et un soutien minimal.
- Des perspectives d'adoption du budget avant fin décembre très peu probables.
Les groupes politiques s'étant prononcés contre ce budget incluent les partis de gauche et le Rassemblement National, tandis que les membres du gouvernement se sont retrouvés divisés entre abstentions et votes contre. Dans une intervention marquante, le député centriste Harold Huwart s'est déclaré éberlué par cette situation, soulignant : "Je veux un budget pour la France. Je ne comprends pas par quelle logique vous arrivez à trouver une majorité sur chaque article et une unanimité contre le texte... Heureusement que le ridicule ne tue pas, on aurait 577 morts à déplorer." Ces propos illustrent bien la confusion ambiante qui règne autour de cette question budgétaire cruciale.
Ce rejet massif fait écho à la situation de l’année précédente, où le budget de l'État avait déjà été écarté, mais jamais avec une telle ampleur. Pour la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, récents échanges dans ce "plus long débat budgétaire" n’ont pas manqué d’importance, même si elle a aussi déploré des mesures qu'elle juge inconstitutionnelles et irréalistes. Sur le réseau social X, elle a dénoncé l'attitude jugée cynique des extrêmes, tout en affirmant sa conviction quant à la possibilité d’un compromis.
Des luttes internes et des divergences politiques
Au sein du gouvernement, des voix s'accusent réciproquement de manquer de soutien face à des propositions jugées inacceptables. Paul Midy, du parti Renaissance, a qualifié les mesures votées par l’opposition de véritables “horreurs économiques”. Dans cette cacophonie, le Premier ministre Sébastien Lecornu a dénoncé "les coups tactiques" des extrêmes qui rendent toute proposition insincère.
Les mesures évoquées, comme l'imposition universelle pour les multinationales, sensée rapporter 26 milliards d’euros, et l'augmentation de taxes sur les rachats d’actions et les dividendes, sont perçues par le gouvernement comme fragiles, plaçant le déficit à 4,1 % du PIB. Ce chiffre passerait à 5,3 % sans ces mesures. Eric Coquerel, président de la commission des Finances, a rétorqué que le texte initial était “condamné à déplaire à tout le monde”, arguant que chacun devrait prendre part à sa rédaction.
Les enjeux budgétaires à venir
Le Parti socialiste, qui a choisi de ne pas censurer le Premier ministre en échange d'une suspension de la réforme des retraites, s'est vu confronté à des débats sans résultats significatifs sur des mesures de justice fiscale. Malgré une tentative d'introduction d'un impôt sur la fortune improductive, le PS n'a pas réussi à obtenir des concessions suffisantes, laissant certains de ses représentants comme Boris Vallaud déplorer l'insuffisance des recettes pour “effacer” des économies jugées irritantes sur les politiques publiques.
Le budget, maintenant à l'examen du Sénat, doit être discuté dans l'hémicycle dès jeudi, en se référant au projet initial du gouvernement. Les délais se resserrent : le Sénat a d'ores et déjà indiqué qu’il lui serait impossible de voter ce budget avant le 15 décembre, ce qui laisse peu de temps aux parlementaires des deux chambres pour parvenir à un accord en commission mixte paritaire. L’adoption de celui-ci avant la fin de l’année s’annonce ainsi compromise tant en termes de calendrier que de soutien.
Face à l’urgence, Philippe Juvin, rapporteur général du budget, a suggéré de recourir à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter une version du budget d’ici au 31 décembre. Si cette option reste contestée par le Premier ministre, elle pourrait, selon certains, permettre d’éviter un blocage. Le gouvernement envisage également l’adoption d’une “loi spéciale” avant le 19 décembre pour percevoir les impôts existants, tout en prévoyant de reprendre les débats budgétaires au début de l’année prochaine. Toutefois, cette stratégie pourrait se heurter à l’opposition, renforçant ainsi un climat déjà tendu.
Alors que les discussions se poursuivent, le chemin vers un budget acceptable pour toutes les parties semble semé d'embûches. Les choix à venir revêtent une importance capitale pour l'ensemble du pays, dont les citoyens espèrent des réponses efficaces face aux défis économiques qui les attendent.