«La folle du désert.» Tel est le surnom que les habitants de Nazca, au Pérou, ont donné à Maria Reiche, une mathématicienne d'origine allemande. Pendant plus de cinquante ans, elle a arpenté les hauts plateaux de la province d'Ica, entre la cordillère des Andes et l'océan Pacifique, pour protéger un trésor exceptionnel : les célèbres géoglyphes de Nazca. Ce patrimoine, orné de motifs d'animaux, de végétaux et de figures géométriques, remonte à la civilisation qui s'est développée sur ces terres entre le IVe siècle avant notre ère et le VIIIe siècle après J.-C.
EN BREF
- Maria Reiche a consacré sa vie à la préservation des géoglyphes de Nazca.
- Le film Lady Nazca retrace ses efforts pour comprendre ces motifs anciens.
- Reiche a engagé des actions déterminantes pour protéger ce patrimoine menacé.
Arrivée au Pérou en 1926, Maria Reiche découvre, peu après, les étonnantes lignes de Nazca, grâce à l'archéologue américain Paul Kosok. Mesurant près de 500 km2, ces géoglyphes ne sont pas seulement de simples décorations. Maria, passionnée par ces inscriptions, consacre sa vie à les déchiffrer, convaincue qu'elles recélaient des connaissances profondes sur l’univers et le calendrier astronomique des civilisations anciennes.
Pénétrer les mystères incas
Le film Lady Nazca, réalisé par Damien Dorsaz, atteint les salles de cinéma ce mercredi 10 décembre. L'histoire se déroule dans les années 1930, dix ans après l'arrivée de Maria Reiche au Pérou. Elle a travaillé comme gouvernante et enseignante, refusant de retourner dans une Allemagne plongée dans le nazisme. L’intrigue se développe lorsqu’elle est engagée par un Français, Paul d'Harcourt, qui lui demande de l’aide pour déchiffrer des notes archéologiques. Ce dernier, figure inspirée du célèbre Julio Tello, espère comprendre les origines de ces lignes énigmatiques.
Immédiatement séduite par les mystères des géoglyphes, Maria Reiche s’immerge dans la culture locale, apprenant même le quechua afin de dialoguer avec les habitants et découvrir les secrets de leur histoire. Son engagement la pousse à multiplier les missions dans le désert, à préserver les dessins des menaces tant naturelles qu’humaines.
Entre 1941 et sa mort en 1998, elle cartographie ces immenses œuvres d’art, développant l'idée que ces motifs étaient liés à un système stellaire complexe. Pour elle, chacun de ces motifs représente une constellation ou un signe du zodiaque, témoignant d'une connaissance avancée de l'astronomie par les civilisations anciennes.
Face aux tentatives de certains agriculteurs de cultiver la région en coton, Maria Reiche se bat pour faire classer ce patrimoine exceptionnel. En 1955, son combat aboutit, et les géoglyphes sont protégés par l'Assemblée nationale péruvienne. Elle reçoit finalement la nationalité péruvienne en reconnaissance de son dévouement.
Maria Reiche : Une quête de sens
Au-delà d’un simple biopic, Lady Nazca évoque aussi la quête spirituelle et la recherche de sens d'une femme dans un monde turbulent. Le directeur Damien Dorsaz souligne l’importance de son parcours : «Dans une époque chaotique, l’itinéraire de Maria Reiche offre un éclairage sur notre rapport à la nature et à notre environnement.» Le cinéaste a rencontré Maria lors d’un séjour au Pérou, en 1996, alors qu'il était encore acteur en herbe. L'expérience vécue sur le site des géoglyphes lui a permis de comprendre que la paix intérieure se trouve souvent à travers une connexion avec son environnement.
La scène finale du film traduit cette communion profonde, où Maria se retrouve seule dans le désert, face à l'immensité étoilée, comme un moment d'épiphanie.
Ce regard poétique sur la vie de Maria Reiche, à travers Lady Nazca, permet de rendre hommage à cette héroïne méconnue qui a consacré sa vie à l'exploration de l'invisible et à la défense de notre patrimoine collectif. En pénétrant dans l'âme de cette femme fascinante, le film nous invite à réfléchir sur notre propre place dans le monde et sur notre rôle vis-à-vis de notre héritage.