Home ActusNews « La cuisine italienne à l’Unesco : un silence français qui en dit long »

« La cuisine italienne à l’Unesco : un silence français qui en dit long »

by Matthieu Dourtou
« L'absence française face à la reconnaissance de la cuisine italienne par l'Unesco »

LETTRE D’ITALIE. L’Italie célèbre une étape majeure : la cuisine nationale a été inscrite dans son intégralité au patrimoine immatériel de l’Unesco. Un fait sans précédent qui suscite l’enthousiasme de nombreux Italiens, mais qui laisse certains sur leur faim.

EN BREF

  • L'Unesco a reconnu la cuisine italienne comme patrimoine de l'humanité.
  • Cette inscription vise à valoriser la culture gastronomique italienne et à contrer les imitations.
  • Pour certains, cette reconnaissance est symptomatique d'une vision idéalisée de la gastronomie italienne.

Le sourire affiché par Giorgia Meloni lors d'une vidéo officielle ce mercredi témoigne d'un bonheur palpable. « Je voudrais vous partager une nouvelle qui nous remplit de fierté », a déclaré la présidente du Conseil. Elle a ensuite annoncé, sans attendre : « Aujourd’hui, l’Unesco a reconnu la cuisine italienne en tant que patrimoine de l’humanité. » Une déclaration célébrée comme une victoire nationale, illustrant la capacité de l’Italie à émerveiller le monde lorsqu’elle croit en elle-même.

Cette annonce a été faite à New Delhi, lors de la 20e session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. Aux côtés de la cucina italiana, plus d'une cinquantaine d'autres candidatures ont également été récompensées, allant du festival de Divali en Inde à l'art de la miniature en Afghanistan.

Il est à noter que la reconnaissance de l'Unesco ne concerne pas un plat ou une tradition spécifique, mais bien l'ensemble de la cuisine italienne, une première historique.

Une dynamique économique pour le made in Italy

Le Comité intergouvernemental a mis l'accent sur la fusion culturelle et sociale entourant les habitudes alimentaires en Italie. Leur commentaire souligne comment cette cuisine favorise « l’intimité avec la nourriture, le respect des ingrédients et les moments partagés autour de la table ». Cette cuisine est, selon l’Unesco, un vecteur d’inclusion sociale, une lutte contre le gaspillage, et elle permet d'apprendre au fil des générations.

Pier Luigi Petrillo, juriste et co-auteur du dossier de candidature, affirme que cette inscription consacre la cuisine italienne comme « un fruit de diverses influences, un creuset de connaissances et d’habitudes qui, en se mêlant, ont réussi à créer quelque chose d’unique ». Après plusieurs années de préparation, la candidature a reçu le soutien indéfectible du gouvernement Meloni. Au-delà de l'honneur de cette reconnaissance, les retombées pourraient être significatives pour le secteur du made in Italy.

Francesco Lollobrigida, ministre de l'Agriculture, explique que cette reconnaissance pourrait stimuler l'économie italienne pour deux raisons : la promotion des produits locaux, entraînant une augmentation des ventes et leur valeur ajoutée, mais également en combattant les imitations telles que l’italian sounding.

Des enjeux au-delà de la gastronomie

Les acteurs du commerce et du tourisme se montrent enjoués face à cette victoire. Les premières estimations de l'association Fiepet Confesercenti suggèrent que cette reconnaissance pourrait entraîner une hausse de 6 à 8 % de la présence touristique dans les deux années à venir, soit environ 18 millions de nuitées supplémentaires. Pour un pays où le tourisme gastronomique génère déjà neuf milliards d'euros de dépenses directes chaque année, cette nouvelle est accueillie avec enthousiasme.

Cependant, tous ne partagent pas cet enthousiasme. Alberto Grandi, professeur d'histoire de l'alimentation à Parme, critique cette reconnaissance qu'il perçoit comme une simple certification d'une vision idéalisée de la cuisine italienne. Dans une vidéo sur ses réseaux sociaux, il souligne que ce label ne fait que refléter une conception abstraite, négligeant l’histoire complexe de la gastronomie italienne. Il évoque une « caricature gastronomique » qui pourrait ne pas capturer toute la richesse de l'alimentation italienne au fil des siècles.

La joie d'un peuple face à cette victoire ne doit pas occulter les débats sur l'authenticité et la richesse d'une culture culinaire en constante évolution. Elle rappelle que la cuisine est un art en dialogue avec son temps, oscillant entre heritage et modernité, un sujet que l'on pourrait explorer longtemps.

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