Jocelyne Guidez, sénatrice centriste de l'Essonne, n'aurait jamais imaginé que son amendement proposé dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 susciterait une telle tempête médiatique et sociale. Cet amendement vise à supprimer le remboursement par l’Assurance maladie des prises en charge psychanalytiques pour les troubles du neurodéveloppement (TND), y compris l’autisme. En l’espace de trois jours, une pétition sur Change.org a réuni plus de 63 000 signatures contre cette proposition, déclenchant une frénésie de courriers d’opposition de la part des syndicats de psychologues et des sociétés psychanalytiques.
EN BREF
- La sénatrice Jocelyne Guidez propose de supprimer le remboursement des prises en charge psychanalytiques pour les TND.
- Une pétition a recueilli plus de 63 000 signatures contre cette initiative en à peine trois jours.
- Les syndicats de psychologues et les familles soutiennent l'amendement, mais le vote au Sénat reste incertain.
Dans l’esprit de Jocelyne Guidez, la situation de nombreuses familles touchées par le TND justifie pleinement son action. Elle souligne que l'ensemble des associations de parents sont opposées à la psychanalyse. Depuis 2012, la Haute Autorité de santé (HAS) a clairement indiqué que la psychanalyse n’est pas recommandée comme intervention pour les troubles du spectre autistique, ses bénéfices n'ayant pas été validés scientifiquement. "L’urgence actuelle est de réduire la dette. Pourquoi continuer à financer des pratiques non validées ?", questionne-t-elle avec une détermination palpable.
Face à cette initiative, les réactions ont été vives. De nombreux courriers, souvent "très virulents", inondent la boîte mail de la sénatrice et de ses collègues. Les défenseurs de la psychanalyse dénoncent ce qu'ils considèrent comme une tentative de créer une "psychothérapie d’État" et une méconnaissance des réalités de la pratique psychique. "Personne ne souhaite interdire la psychanalyse", rappelle Guidez. Elle précise que chacun est libre de consulter un psychanalyste, mais soutient que les recommandations en matière de TND doivent être respectées et ne doivent pas être financées par l’Assurance maladie.
Des pressions croissantes sur le vote
Malgré sa détermination, la sénatrice Guidez exprime une certaine inquiétude quant à l'issue du vote, qui devrait avoir lieu cette semaine. "Je ne vais pas retirer mon amendement, mais je suis quasiment certaine qu’il ne passera pas. Vu la portée des réactions, beaucoup de mes collègues n’oseront pas l’appuyer", déplore-t-elle. Effectivement, l'un des cosignataires de l’amendement a déjà retiré son soutien, illustrant la puissance du lobby psychanalytique.
Les soutiens viennent principalement des familles concernées. "C'est une bouffée d'air pur, nous sommes ravis que des responsables politiques se saisissent enfin de ce sujet", se réjouit Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France. Elle souligne la persistance des pratiques psychanalytiques au sein des structures d’accueil pour enfants autistes, et dénonce le fait que, treize ans après les recommandations de la HAS, les familles continuent de rencontrer des difficultés à obtenir des diagnostics appropriés.
Vers une évolution des pratiques psychologiques ?
Les appels à un changement dans la prise en charge des TND se font également entendre auprès des institutions. Etienne Pot, délégué interministériel aux TND, rapporte que de nombreuses familles rencontrent des difficultés avec certaines structures qui pratiqueraient des méthodes controversées. Des signalements ont été effectués concernant des traitements tels que le packing, qui consiste à envelopper les enfants dans des tissus pendant plusieurs heures, une méthode non recommandée par les instances de santé.
En parallèle, la Haute Autorité de santé prépare de nouveaux documents de recommandations pour la prise en charge de l’autisme. Le président de l’institution, le Pr Lionel Collet, a exprimé le souhait que ces recommandations deviennent un jour opposables, ce qui offrirait de meilleures garanties aux familles et sanctionnerait les professionnels ne respectant pas ces lignes directrices.
Ce contexte pose une question essentielle : la France est-elle prête à faire évoluer ses pratiques concernant la prise en charge des troubles du neurodéveloppement ? L'examen au Sénat de l'amendement 159 pourrait bien indiquer jusqu'où le pays est prêt à aller pour moderniser ces approches. L'enjeu est de taille, tant pour les enfants que pour les familles, qui aspirent à un soutien fiable, basé sur des méthodes prouvées et efficaces.