Les députés Antoine Vermorel-Marques (Droite républicaine) et Julien Guibert (Rassemblement national) ont présenté un rapport de 137 pages, qui ne laisse aucune place au doute : la France et l'Union européenne doivent rehausser leur vigilance concernant l'importation de produits provenant de plateformes telles que Shein, Temu ou AliExpress. Ce rapport a été publié à l’issue d'une mission d'information sur les contrôles des produits importés en France, entamée plusieurs semaines auparavant, et ses conclusions ont été dévoilées le 17 décembre dernier.
EN BREF
- Un rapport propose 29 mesures pour mieux contrôler les importations de produits non conformes.
- Les produits en provenance de Chine représentent un défi croissant pour la santé et la sécurité des consommateurs.
- Les députés suggèrent une taxe sur les petits colis importés pour réduire ce flux.
Dans le viseur des rapporteurs, les géants chinois du e-commerce sont souvent pointés du doigt. Shein est mentionnée à 40 reprises, suivie de Temu et AliExpress, avec respectivement 15 et 7 mentions. Il en découle une volonté de taxer les petits colis, de renforcer les contrôles, et de responsabiliser les plateformes de vente en ligne.
Une explosion des importations depuis la Chine
Les députés commencent leur analyse en remontant dans le temps. Il est alarmant de constater que, sur les deux dernières décennies, les importations venues de Chine ont été multipliées par plus de quatre, passant de 17 milliards d'euros en 2004 à 78 milliards d'euros en 2022.
Les chiffres de la logistique impliquent un afflux conséquent de petits colis : à l'aéroport de Roissy, on a enregistré 175 millions de colis en 2022, une projection qui atteint 410 millions pour 2023 et 775 millions pour 2024. À l'échelle européenne, le constat est vertigineux : 4,6 milliards de petits colis livrés en 2024, soit 12 millions de colis par jour. Il s’agit d'une conséquence inattendue du redirigement d'exportations chinoises, initialement destinées au marché américain, vers l'Europe, ce qui rend notre continent un véritable réceptacle des surplus industriels chinois.
Des contrôles insuffisants sur des produits souvent non-conformes
La question fondamentale posée par le rapport est simple : l'Union européenne et la France contrôlent-elles efficacement les marchandises qui entrent sur leur territoire ? La réponse est cinglante : non. Selon les données, seuls 0,0082 % des produits importés dans l'Union européenne étaient contrôlés l'année dernière, soit un colis sur environ 100 000.
Les rapporteurs s'appuient sur des statistiques fournies par la Commission européenne, qui soutient ainsi les préoccupations exprimées par de nombreuses associations de consommateurs et groupes professionnels. Des contrôles aléatoires par les douanes ont révélé que lors d’une opération dans les grands aéroports parisiens, 96,2 % des articles vérifiés étaient jugés non conformes ou contrefaits. Parmi ces produits se trouvaient des cosmétiques, des médicaments et des jouets, mettant en lumière un risque préoccupant pour la sécurité des consommateurs.
Des opérations menées récemment ont observé des taux de non-conformité alarmants. À Bayonne, ce taux approchait presque 100 %, tandis qu'il était nettement plus faible à Angers. Ces chiffres soulignent le défi à relever pour les services douaniers face à un flux logistique en constante augmentation.
Vers une réglementation plus stricte des géants du commerce en ligne
Le constat formulé par les députés est sans appel : les plateformes de vente en ligne représentent une concurrence déloyale qui nuit aux entreprises locales, mais aussi à la sécurité des consommateurs et à l’environnement. Dans ce contexte, ils préconisent que les plateformes soient rendues responsables des produits qu'elles commercialisent, notamment les produits dangereux ou illicites.
Ils proposent de reporter la responsabilité sur les places de marché en cas d'impossibilité d’identifier le vendeur. De plus, des mécanismes de suspension, voire d'interdiction, en cas de violations répétées devraient être mis en œuvre. La multitude de petits colis entrante pose également la question de la capacité matérielle et humaine des douanes à garantir ces contrôles.
Une taxe pour équilibrer le marché
À compter du 1er janvier 2026, la France envisage d'instaurer des frais de gestion de 2 à 5 euros sur tous les colis d'une valeur inférieure à 150 euros livrés par des entreprises non européennes. Néanmoins, Antoine Vermorel-Marques suggère d'implémenter une taxe forfaitaire de 5 euros sur les colis de faible valeur, afin de mieux réguler le marché. Cette recommandation s'inspire de mesures déjà mises en place en Roumanie.
Sensibilisation des consommateurs face aux dangers
Les députés souhaitent également attirer l'attention des consommateurs sur l'impact de leurs choix d'achat. Romain Eskenazi, député du Val-d'Oise, a formulé notamment que, dans notre société de consommation mondialisée, « une carte de crédit a plus de pouvoir de changement sur le monde qu'une carte électorale ». Le rapport suggère de renforcer les campagnes de sensibilisation sur les risques liés aux produits importés non conformes.
Il est devenu primordial de rappeler que l'État mène déjà des campagnes de prévention sur diverses problématiques. De pareilles actions sur la sensibilisation aux produits importés sembleraient logiques et dans la continuité des efforts visés par la loi sur le climat et la résilience.
Il semble alors nécessaire de se poser la question : comment transformer nos habitudes de consommation pour qu'elles s'alignent avec nos valeurs environnementales et sociétales ? Ce rapport jette une lumière crue sur les défis à venir pour la France, tout en soulignant la responsabilité partagée entre les gouvernements, les entreprises et les consommateurs.