Le Parlement argentin a une nouvelle fois défié le président ultralibéral Javier Milei. En effet, le mercredi 8 octobre, une large majorité a voté pour imposer des restrictions sur l’usage des décrets-lois, un outil que le chef de l'État a largement utilisé durant ses 22 mois au pouvoir. Ce camouflet, survenant après plusieurs échecs récents concernant des textes ou des vetos, souligne les difficultés croissantes de Javier Milei à gouverner, alors qu'il se trouve face à un Parlement où il est minoritaire et qui semble de plus en plus enclin au bras de fer.
EN BREF
- Le Parlement argentin impose des restrictions aux décrets-lois utilisés par Javier Milei.
- Ce dernier a dû faire face à plus de 70 recours à cet outil depuis sa prise de fonction.
- Les élections législatives de mi-mandat, programmées pour le 26 octobre, pourraient influencer la capacité de gouvernance de Milei.
Dans la lignée du Sénat argentin qui a voté le mois dernier, la Chambre des députés a approuvé le texte avec 140 voix pour et 80 contre parmi les présents. Désormais, un Décret de Nécessité et d'Urgence (DNU) doit être rejeté par une seule chambre pour devenir caduc, une modification à même de compliquer la stratégie législative de Javier Milei. En effet, pour qu’une disposition ne soit pas adoptée, il reste à passer au Sénat, où la situation de Milei est encore plus précaire, son parti y étant en minorité.
Des décrets au service d'une gouvernance fragilisée
Javier Milei, qui a remporté la présidence en 2023 sur une promesse dégagiste contre la "caste politique", se retrouve avec seulement 40 députés ou alliés sur les 257 que compte la Chambre. Ainsi, pour faire passer des réformes, il a dû s'engager dans des alliances ponctuelles. Son recours aux DNU a atteint plus de 70 cas, une méthode inscrite dans la Constitution depuis 1994 et aussi utilisée par ses prédécesseurs. Son premier DNU, signé à peine dix jours après son investiture, a été qualifié de "méga-décret".
Ce dernier s'attaque à plus de 300 règles et normes dans des secteurs variés, tels que le travail, les loyers, la concurrence, les privatisations et les médicaments. Une telle dérégulation massive suscite des préoccupations au sein de l’opposition et soulève des questions quant à la légitimité même de telles mesures.
« Plus que l’instrument du DNU, le problème réside dans son utilisation excessive par l’exécutif », a dénoncé la députée de l’opposition, Monica Litza.
Monica Litza, députée argentine
Face à cette situation, le député appartenant à la majorité, Nicolas Mayoraz, a présumé que l’opposition cherchait à "déstabiliser" le gouvernement. Cette opposition de centre droit dénonce une atteinte à la démocratique, accusant le gouvernement de chercher à contourner le Parlement.
Une urgence contestée
Les DNU sont en théorie un outil destiné à résoudre des situations d'urgence nécessitant une réponse rapide. La pandémie de Covid-19, par exemple, a vu l’adoption de plusieurs DNU pour des raisons sanitaires. Cependant, l'urgence des mesures prises par Milei est remise en question et fait actuellement l’objet d’attaques tant politiques que judiciaires. Le Parlement, aujourd'hui, prend position contre cette utilisation jugée abusive.
Ces développements politiques sont cruciaux, surtout avec les élections législatives de mi-mandat qui approchent, programmées pour le 26 octobre. Javier Milei doit non seulement renforcer sa base parlementaire, mais aussi rassurer des marchés financiers déjà nerveux, en particulier en ce qui concerne la stabilité du peso argentin. Son soutien, déclaré par Donald Trump, compatriote ultralibéral, pourrait être déterminant, mais reste à clarifier.
Cette configuration politique actuelle ne laisse pas d'autre choix à Javier Milei que de naviguer habilement entre les déclarations publiques, les pressions politiques et les exigences de son administration, tout en tentant de préserver la confiance de son électorat et des investisseurs étrangers.