Home ActusNews Emmanuel Macron : Comment la France se prépare-t-elle à une potentielle crise économique ?

Emmanuel Macron : Comment la France se prépare-t-elle à une potentielle crise économique ?

by Matthieu Dourtou
Macron et la France : Stratégies pour affronter une éventuelle tempête économique

Lundi, à 8h45, le patron d'une grande banque française reçoit L'Express. Son message semble d'abord rassurant : "Les crédits immobiliers sont en légère croissance, ceux accordés aux entreprises aussi. Le coût du risque sur les défaillances est relativement élevé, mais il n'est pas encore à un niveau de crise. Notre économie est résiliente, c'est sa caractéristique." Une pause s'installe autour d'un café, avant que la sentence ne tombe : "Je suis fatigué de cette résilience dont on se berce. L'enjeu, ce n'est pas que ça tienne, mais que ça reparte !"

Sur la nappe, les smartphones vibrent. Le rebond devra attendre : Emmanuel Macron vient d'accepter la démission surprise de Sébastien Lecornu et de son gouvernement, moins de 24 heures après leur nomination. Le Premier ministre, le plus éphémère de la Ve République, déclare devant les caméras que "les partis politiques continuent d'adopter une posture comme s'ils avaient, tous, la majorité absolue à l'Assemblée nationale", rendant impossible la poursuite de sa mission. "Il y a beaucoup de lignes rouges, rarement des lignes vertes", conclut avec gravité le quatrième occupant de Matignon depuis la dissolution du 9 juin 2024.

EN BREF

  • Emmanuel Macron accepte la démission de son gouvernement, provoquant une crise politique.
  • La Bourse de Paris recule sous l'effet d'incertitudes budgétaires, impactant le CAC 40.
  • Un potentiel coût de 9 milliards d'euros pour l'économie française suite à cette instabilité politique.

À la Bourse de Paris, les valeurs bancaires, particulièrement sensibles aux incertitudes budgétaires et à la trajectoire de la dette, voient leur valeur s'effondrer, entraînant avec elles l'ensemble du CAC 40. L'écart de taux, ou "spread", entre l'emprunt de l'État français à 10 ans et son équivalent allemand se creuse à nouveau. Dans moins de trois semaines, l'agence Moody's devrait se prononcer sur la note de crédit de la France, suite à la dégradation effectuée par Fitch le 12 septembre, plaçant ainsi la deuxième économie de la zone euro au même niveau que Malte et l'Estonie. "Je ne crois pas aux vertus de la purge que certains, dans les dîners parisiens, appellent cyniquement de leurs vœux", insiste notre hôte du matin, en prenant congé. "Mais il faut que la prise de conscience de nos faiblesses advienne. Vite."

La production industrielle freinée

Cette croissance atone, la dérive des comptes publics et le maelström parlementaire sont résumés graphiquement par l'évolution des principaux indices boursiers en Europe. Sur les seize derniers mois, le CAC 40, censé refléter la confiance des marchés dans les grandes entreprises françaises, stagne, alors que d'autres indices tels que le PSI portugais ou le MIB italien s'envolent. Des pays naguère raillés pour leur gestion, comme ceux du "Club Med", envoient un message clair : la compétitivité est désormais ailleurs.

Gilles Bonnenfant, consultant en stratégie, observe : "Les investisseurs étrangers recherchent trois boussoles : la prévisibilité, la stabilité et la non-rétroactivité. La France peine sur ces trois points." Pour Olivier Lluansi, professeur au Cnam, l'incertitude accroît le coût du crédit pour les entreprises. Beaucoup de PME ne peuvent plus emprunter à des conditions avantageuses comparativement aux multinationales, rendant leurs perspectives d'investissement encore plus complexes. "Notre outil productif est plus vieillissant qu'ailleurs, et depuis le Covid, la production manufacturière a progressé moins vite en France," ajoute-t-il.

David Cousquer, à la tête de Trendeo, une société de veille sur les usines, témoigne d'une pause significative dans les annonces d'ouvertures ou d'extensions juste après la dissolution gouvernementale, avec une reprise timide au printemps. "Les projets annoncés lors du sommet Choose France vont dans le bon sens, mais ils sont concentrés autour des data centers. Cette nouvelle séquence politique apparaît comme une seconde lame," conclut-il.

Un coût de 9 milliards d'euros

La question se pose : quel est le prix des "appétits partisans" dénoncés par Sébastien Lecornu ? Maxime Darmet, économiste chez Allianz Trade, évalue que, entre l'été 2024 et l'été 2025, ces événements pourraient coûter 0,3 point de PIB à la France, soit environ 9 milliards d'euros. "Deux hypothèses sont désormais sur la table :", poursuit l'expert. "Un gouvernement technique qui pourrait faire passer une loi spéciale sur le budget, ou une nouvelle dissolution accompagnée d'une réduction significative de la croissance, estimée à 0,5 point." Actuellement, le déficit public pourrait atteindre 5,4 % du PIB, voire 5,7 % en 2026, selon le cabinet d'études Oxford Economics.

Face à cette turbulence politique, l'euro a également perdu du terrain par rapport au dollar, un signe inquiétant des effets de contagion potentiels au-delà de nos frontières. Raphaël Gallardo, chef économiste, note que la France, protégée mais aussi piégée par l'euro, ne peut envisager de dévaluation, ce qui accentue la nécessité d'une gestion prudente de la dette.

Les jours qui viennent s'annoncent décisifs tant pour l'économie française que pour la pérennité de nos institutions, car plus cette crise perdure, plus douloureux sera le coût de l'ajustement.

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