En portant sur grand écran l'anti-héros de Camus, le cinéaste s'est lancé le défi de percer le mystère Meursault. En avant-première, François Ozon nous partage son approche unique de cette fameuse adaptation.
EN BREF
- François Ozon adapte L'Étranger avec un regard moderne sur une œuvre de plus de 80 ans.
- Le film, présenté au festival De l'écrit à l'écran, met en lumière la complexité des relations franco-algériennes.
- Ozon s'attache à la profondeur psychologique du personnage de Meursault, défiant les conventions habituelles du cinéma.
L'Étranger, œuvre emblématique d'Albert Camus, trouve une nouvelle vie à travers les yeux de François Ozon. Le film, qui sortira le 29 octobre, commence par une plongée dans les archives de l’Algérie, offrant ainsi un cadre contextualisé à l'histoire de Meursault, interprété par un Benjamin Voisin à la fois élégant et mystérieux. Ce premier contact avec le personnage dans la prison d'Alger soulève immédiatement des interrogations sur la nature de son existence et de ses actions.
Lors d'un entretien, Ozon se remémore sa première rencontre avec ce texte : il avait tout juste 16 ans. Si sa mémoire de cette lecture scolaire n'était pas marquée, il explique : « C'est une lecture que tout le monde retrouve facilement, et il m'a fallu quelques années pour saisir toute la profondeur de cette œuvre. »
Prenant des libertés sur certains aspects, notamment sur les personnages féminins, Ozon demeure cependant fidèle à l'esprit de Camus. « J’ai voulu garder la structure de l'œuvre tout en apportant un regard de 2025 sur une histoire écrite en 1939, » nous confie-t-il. Cette mise à jour est d’autant plus pertinente que le réalisateur contextualise les relations entre la France et l'Algérie, qui ont considérablement évolué depuis la publication du livre.
Le défi d'incarner Meursault
Pour Ozon, l'incarnation de Meursault représente un défi de taille. « C'est le personnage d'anti-héros par excellence, » souligne-t-il. Contrairement aux protagonistes habituels, Meursault est un être opaque, n’ayant ni passé clairement défini ni émotions manifeste qui permettent de le comprendre. Ce choix risqué pourrait dérouter le spectateur, mais Ozon avance : « Je voulais voir si l'on pouvait s'attacher à lui sans le comprendre. »
Le ton du film, en noir et blanc, illustre également le passé révolu de l'Algérie française et renforce l'impact de la lumière, élément central dans l'œuvre de Camus. La collaboration avec son chef opérateur a permis de créer une esthétique visuelle qui résonne profondément avec le texte, quelque chose de plus pur et qui transcende les époques.
Une adaptation ancrée dans la réalité
Ozon explique l'importance de contextualiser l'histoire pour ne pas perdre les jeunes spectateurs d'aujourd'hui, souvent déconnectés des réalités coloniales. « Cette histoire se déroule dans un cadre historique que beaucoup ne comprennent pas aujourd'hui, » note-t-il. L'intégration de moments clés du roman, où la langue poétique de Camus se mêle à sa narration cinématographique, est essentielle.
François Ozon : « Briser l'harmonie du jour », c'est un passage que je tenais à entendre à l'écran.
De la recherche historique à des discussions avec des spécialistes, Ozon a veillé à ce que son adaptation demeure respectueuse tout en étant pertinente. « J'ai abordé ce projet avec beaucoup de sérieux et une véritable quête de vérité, » conclut-il.
En livrant son interprétation d'L'Étranger, François Ozon ne cherche pas seulement à adapter un texte classique. Il veut également soulever des questions cruciales sur l'identité, l’humanité et notre rapport à l’histoire. Ce faisant, il redonne une voix non seulement à Meursault, mais aussi à ceux qui ont perdu la leur dans les méandres des histoires coloniales.
