Les assistants conversationnels d'intelligence artificielle (IA) peuvent influencer les préférences politiques des électeurs, et cela même en s'appuyant sur des données inexactes. Deux études récentes apportent un éclairage sur ce sujet délicat et d'actualité.
EN BREF
- Des études révèlent que les assistants IA peuvent modifier les opinions politiques des électeurs.
- Les discussions entre électeurs et IA ont conduit à des changements d'opinion significatifs, jusqu'à 10 points.
- Ces phénomènes soulèvent des questions sur l'impact de l'IA sur les démocraties modernes.
Le climat politique actuel, marqué par une volatilité croissante des opinions, se retrouve aujourd'hui à la croisée des chemins technologique et démocratique. La question qui se pose est la suivante : les intelligences artificielles, en particulier les assistants conversationnels, risquent-elles de déstabiliser nos systèmes démocratiques ?
Il est désormais clairement établi que ces technologies peuvent convaincre des électeurs de changer leur vote, même si elles fondent leurs arguments sur des éléments qui ne sont pas nécessairement véridiques. C'est ce que révèlent deux études publiées le 4 décembre dans les revues Science et Nature.
Les chercheurs ont mené des sondages dans divers pays, tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la Pologne. Ils ont interrogé des électeurs sur leurs préférences politiques à l’aide d’une échelle de 0 à 100 avant et après une interaction avec des assistants conversationnels programmés pour influencer.
Cette interaction a conduit à des variations d'opinion notables. Par exemple, chez des participants se déclarant en faveur de l’ancien président républicain Donald Trump, on a observé une hausse de quatre points dans leur évaluation vis-à-vis de sa rivale démocrate, Kamala Harris. Des cas similaires ont été relevés chez des partisans d'autres candidats, avec des variations pouvant atteindre jusqu'à 10 points dans certains pays.
David Rand, professeur en sciences de l’information à l’université Cornell et co-auteur des études, indique que ces effets pourraient avoir un poids significatif sur les décisions de vote.
"Lorsque nous avons demandé aux personnes comment elles voteraient si l'élection avait lieu ce jour-là, environ un répondant sur 10 au Canada et en Pologne avait changé d’avis",
ajoute Rand. "Environ un sur 25 aux États-Unis avait fait de même."
Cette situation pose des questions cruciales : les opinions modifiées lors de ces interactions représentent-elles un changement substantiel, ou sont-elles éphémères et peu susceptibles de se traduire dans les urnes ? Les intentions de vote exprimées lors de ces sondages ne coïncident pas toujours avec le comportement réel au moment du scrutin.
À l’approche des élections, les implications de ces recherches méritent une attention particulière. Le potentiel de manipulation via des technologies que beaucoup considèrent encore comme des outils neutres soulève des préoccupations évidentes. Les citoyens doivent être conscients du rôle que peuvent jouer ces intelligences artificielles dans leurs décisions politiques.
En définitive, les résultats de ces études mettent en lumière une réalité complexe où technologie et démocratie s'entrelacent. Ce phénomène invite à un examen plus approfondi des responsabilités éthiques et des régulations nécessaires pour encadrer l'utilisation des intelligences artificielles dans le domaine politique. Les enjeux sont colossaux, tant pour les électeurs que pour les institutions démocratiques elles-mêmes.