C’est un accord qui évoque les pratiques de troc anciennes, mais qui s’inscrit fermement dans la réalité géopolitique actuelle. Afin de poursuivre ses achats de pétrole à l’Iran, la Chine, l’un des principaux clients de Téhéran, a adopté un système d’échange peu conventionnel, comme le rapporte le Wall Street Journal dans son dernier numéro. Ce mécanisme, qui fait appel à l’ingéniosité économique, illustre comment, dans un contexte de sanctions internationales, des acteurs majeurs s’adaptent pour contourner les obstacles.
EN BREF
- La Chine utilise un système non fiduciaire pour acheter du pétrole iranien.
- Un assureur d’État chinois, Sinosure, joue un rôle clé dans les échanges.
- Ce mécanisme offre un soutien économique crucial à l'Iran sous sanctions.
Dans cet échange complexe, le pétrole iranien est expédié vers la Chine, où des entreprises publiques chinoises, soutenues par l’État, se charge de l’infrastructure en Iran. Selon des estimations américaines pour 2024, l’Iran aurait exporté pour environ 43 milliards de dollars de pétrole brut, dont plus de 90 % à destination de la Chine. Fait notable, et pour compliquer la transparence de cet échange, les autorités douanières chinoises n'ont signalé aucun achat formel de brut iranien depuis 2023.
Une secrète agence de crédit à l’exportation
Les responsables du Wall Street Journal expliquent que la Chine réalise cet arrangement à travers un assureur d’État, Sinosure, considéré comme l’une des plus grandes agences de crédit à l’exportation au monde. À ses côtés, une entité discrète dénommée Chuxin, qu’il est difficile de retrouver dans les registres publics, va jouer un rôle crucial dans le financement de ces échanges.
Le processus est de cette manière orchestré : une entreprise sous contrôle iranien enregistre la vente de pétrole à un acheteur chinois lié au négociant d’État Zhuhai Zhenrong, désormais sous sanctions américaines. En retour, cet acheteur dépose mensuellement des centaines de millions de dollars dans l’entité financière Chuxin, qui redistribue ensuite les fonds aux entrepreneurs chinois responsables des projets d'ingénierie en Iran.
Il est intéressant de noter qu’entre 2000 et 2023, la Chine aurait engagé plus de 25 milliards de dollars dans des projets d’infrastructures en Iran, selon des données fournies par AidData, un laboratoire de recherche. Ces montants, souvent financés par Sinosure, montrent que les échanges entre ces deux nations ne sont pas uniquement basés sur la vente de pétrole.
Soutien politique
Toujours selon le quotidien économique, l'arrangement a permis à l'Iran de surmonter certaines des défis majeurs imposés par un système bancaire international contraire à ses intérêts. Des responsables rapportent qu’environ 8,4 milliards de dollars de paiements pétroliers auraient été acheminés sur ces canaux alternatifs l'année dernière, participant ainsi au financement de grands projets d’infrastructure.
L'Iran subit depuis 1979 des sanctions de la part des États-Unis, qui se sont intensifiées en 2019 avec l'administration Trump, à la suite du retrait des États-Unis de l'accord nucléaire de 2015. Ces sanctions ne ciblent pas seulement les exportations énergétiques mais touchent également un grand nombre de banques iraniennes, complexifiant les transactions financières.
Face à cette pression, la Chine a maintenu un soutien politique constant envers l’Iran. En septembre dernier, le président chinois Xi Jinping a reçu le président iranien Masoud Pezeshkian lors d’un sommet qui a également vu la participation des dirigeants russes et nord-coréens, tous opposés à l'hégémonie américaine. Dans un contexte où les sanctions internationales se durcissent, le soutien chinois reste une clé de voûte pour Téhéran, qui recherche désespérément des alliés dans un monde de plus en plus polarisé.
Ce système d’échange, bien qu’inusité dans le droit traditionnel du commerce international, témoigne des réalités contemporaines où la flexibilité des nations chargées de contourner les sanctions prévaut. À travers ces mécanismes, la relation sino-iranienne se renforce, illustrant les dynamiques géopolitiques d’une ère sans précédent.