Home ActusNews La chute tragique de Patrick Dewaere : entre génie et errance

La chute tragique de Patrick Dewaere : entre génie et errance

by Matthieu Dourtou
Patrick Dewaere : L'étoile filante d'un génie en quête de soi

À Trincamp, cet endroit où le football est plus qu’une simple passion, c’est une culture. Située au cœur de la France populaire des années 1970, cette bourgade est le théâtre d'histoires qui oscillent entre gloire et tragédie. Dans ce contexte, Jean-Jacques Annaud, avec sa collaboration avec Francis Veber, nous offre un chef-d'œuvre: Coup de tête. Ce film suprenant raconte comment un petit Edmond Dantès moderne, le héros du terrain, va entraîner sa ville dans une spirale de désespoir suite à une accusation injuste. Arte a la brillante idée de rediffuser cette perle du cinéma français ce lundi soir.

EN BREF

  • Coup de tête, une satire sociale du football, illustre les abus de pouvoir au sein des petites localités.
  • Le personnage principal, François Perrin, incarne l'antihéros broyé par un système féodal au sein du monde du sport.
  • Ce film nécessite d'être redécouvert à travers le prisme de son humour noir et de sa critique sociale.

La genèse d'un chef-d'œuvre cinématographique

À l'origine de Coup de tête, il y a un besoin d'explorer non pas le sport, mais le système qui l'entoure. En 1973, Annaud, fraîchement auréolé d’un Oscar pour La Victoire en chantant, s'engage. Plutôt que de poursuivre une carrière à Hollywood, il s’inspire de l’épopée de l’En Avant Guingamp pour scruter la culture locale où football et pouvoir se mêlent.

Ce film n’est pas qu’une simple comédie sur le sport : il constitue une véritable charge contre les élites locales, là où le patron d’une usine décide des fortunes de chacun en se mêlant des affaires du club de football. Le ballon devient un symbole de pouvoir, le président du club un potentat, et les supporters, quant à eux, sont façonnés par l’ivresse du comptoir.

Une satire sociale impitoyable

Avec Coup de tête, Annaud et Veber dressent un portrait acéré de la France des années 70. Le film, à l’instar de la légendaire série des Marseillais, met en avant des personnages hauts en couleur issus des petites bourgades. Chaque scène révèle l'absurdité d'un système où les combines économiques jouxtent les aspirations sportives, où l'entraîneur devient le roi du bal, et les primes varient d'une cuisine équipée à un repas à emporter. C'est une France où le football devient l'opium du peuple.

Les personnages sont minutieusement pensés : François Perrin, incarné par Patrick Dewaere, est un antihéros tragique dont la déchéance stresse autant qu'elle amuse. Veber livre un scénario qui nous plonge dans les entrailles d'un monde où la passion du sport se teinte de cynisme.

Patrick Dewaere : l'homme du rôle

Dans ce contexte, le choix de Dewaere a été déterminant. Alors que Gérard Depardieu était considéré par certains comme le premier choix, Annaud savait que seul Dewaere pouvait capturer la fragilité et l'angoisse qui définissent François Perrin. Ce dernier, avec sa capacité à incarner la vulnérabilité, apporte une dimension unique au personnage. Un rôle caméléon, où chaque sourire cache une multitude de souffrances.

Le tournage, à Auxerre, intégrant des figurants parmi les supporters, offre un aspect documentaire. L'authenticité renforce le récit, faisant écho à la manière dont le football est réellement vécu dans ces cités où chaque match peut être une petite révolution. La musique, composée par Pierre Bachelet, deviennent une véritable hymne à la joie et à la désespérance d'une époque.

Un regard contemporain sur une œuvre intemporelle

Sorti le 14 février 1979, Coup de tête a rencontré un succès modeste au box-office, mais la critique l'a acclamé. Bien qu’il ait été vendu comme une comédie sportive, son humour noir, sa critique sociale et sa vision acerbe d'un microcosme reflet de sociétés plus vastes ont fait de ce film un classique du cinéma français.

Quarante-six ans après sa sortie, ce film continue de fasciner par sa capacité à dénoncer les travers humains tout en divertissant. Les thèmes de la corruption, de la condescendance et de l'obscurantisme social restent d'une actualité brûlante. Il évoque une vérité que l’on aurait tort d'oublier, celle d’un sport devenu business, où l’humiliation est devenu un sport national. Coup de tête transcende ainsi le temps, nous renvoyant à nos propres réalités et nos propres histoires.

Il est indéniable que ce film, en dehors de son humour et de ses personnages mémorables, reste un miroir puissant de la société française d'hier et d'aujourd'hui. Sa rediffusion sur Arte est une bonne occasion de redécouvrir cette œuvre enrichissante, pleine de profondeur et d'émotion.

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