Un rapport récemment publié par la Fondation Jean-Jaurès met en lumière les enjeux contemporains liés à la laïcité, un concept à la croisée des chemins dans une période marquée par des tensions entre le religieux et le politique. Pour mieux comprendre cette situation, nous avons rencontré Iannis Roder, l'un des coordinateurs de ce rapport.
EN BREF
- La laïcité, pierre angulaire de la République, est plus que jamais au cœur des débats sociétaux.
- Un rapport souligne la nécessité de redéfinir la laïcité face aux enjeux modernes, notamment l'influence croissante de l'islam.
- Le consensus historique autour de la laïcité s'effrite, nécessitant une réflexion collective pour préserver cette valeur fondatrice.
Tout comme l'Europe avait sombré dans l'illusion d'une paix éternelle, la France a cru, pendant plusieurs décennies, que la laïcité n'avait plus besoin d'être défendue. La loi de 1905, marquant la séparation des Églises et de l'État, souffle cette année ses 120 bougies, mais l'illusion s'est aujourd'hui dissipée. La liberté de conscience, qui inclut le droit de croire mais aussi la protection contre les pressions religieuses, ne peut être considérée comme acquise.
Le dossier intitulé « Que vive la laïcité ! » propose cinquante contributions autour de cette question cruciale. Coordonné par des figures comme Hadrien Brachet, Iannis Roder, Laurence Rossignol et Milan Sen, il met en lumière les défis actuels et historiques de la laïcité. Ce néologisme, apparu il y a environ 150 ans, semble aujourd'hui avoir été oublié. Selon Alain Seskig, un des contributeurs, « nous ne parlions presque jamais de la laïcité au sein de l'Éducation nationale », révélant ainsi la nécessité d'un renouveau. La laïcité était conçue, à l'origine, comme un principe d'organisation démocratique, cherchant à contrecarrer les prétentions politiques du religieux.
La double menace de la laïcité
Dans un contexte où la menace politique vient de l'extrême droite, c'est principalement l'islam qui est aujourd'hui au centre des débats. Contrairement aux cultes minoritaires tels que le judaïsme et le protestantisme, l'islam varie dans sa perception de la laïcité, qui n’est pas toujours vue comme une protection. Il est intéressant de noter que la loi de 1905 n'a jamais été appliquée en Algérie. Cependant, des réflexions sur la laïcité ont également émergé dans plusieurs pays musulmans.
Tandis que l'extrême droite redécouvre les vertus de la laïcité, l'opinion publique semble évoluer. Un sondage publié le 9 décembre révèle que seulement 24 % des Français considèrent la gauche comme le meilleur défenseur de la laïcité, comparativement à 49 % en 2005. Ce changement de perspective souligne une crise de confiance grandissante envers ceux qui devraient être ses champions. 52 % des Français estiment qu'elle est instrumentalisée pour discréditer les musulmans.
La redéfinition de la laïcité
Les sondages révèlent un affaiblissement du consensus autour de la laïcité, accablé par des logiques révisionnistes. Une minorité croissante reconnaît cependant les enjeux de cette notion, avec 40 % des Français voyant la laïcité comme essentielle à l'identité nationale. Ce phénomène pourrait permettre à la France de mieux gérer le retour en force des enjeux religieux.
Iannis Roder rappelle que le terme “laïcité” n’existe pas dans la loi de 1905. Son origine grecque, provenant de laos, signifiant le peuple, se traduit par une séparation nette entre les sphères religieuse et politique. Jean Jaurès affirmait que « la laïcité et la démocratie sont deux termes identiques ». De fait, la laïcité, c'est garantir une dualité d’hommes libres, confirmant la liberté de conscience tout en assurant l'exercice des cultes en toute neutralité.
Toutefois, le contresens majeur réside dans l'idée que la laïcité serait synonyme d'athéisme. En réalité, elle permet à chacun de vivre sa foi sans être soumis aux contraintes des pratiques religieuses de son entourage. La laïcité se présente alors comme un moyen d'assurer la liberté individuelle, loin des influences familiales ou communautaires.
À l'horizon de 150 ans de la loi de 1905, les scénarios oscillent entre noir et rose. Le premier, pessimiste, évoque une immixtion croissante du religieux dans l'espace politique. Le second, optimiste, envisage un maintien de la laïcité comme principe fondamental de la République, garantissant une émancipation accessible à tous. Il est essentiel de préserver ce principe dans un monde en constante évolution.