Dans le cadre d’une nouvelle émission diffusée par L’Express, Anne Rosencher a eu l’honneur de recevoir Giuliano da Empoli, auteur des ouvrages L’Heure des prédateurs et Mage du Kremlin. En tant qu’ancien stratège pour le président du Conseil italien, Matteo Renzi, il apporte un regard aiguisé sur les mécanismes du pouvoir, notamment celui des nouvelles figures politiques telles que Donald Trump. Dans une époque marquée par des leaders à la fois audacieux et clivants, les discussions émergent sur les limites de l’approche europénne face aux changements mondiaux. Cet échange fascinant est accessible en vidéo sur des plateformes comme YouTube et Dailymotion, et en audio sur les applications populaires comme Apple Podcasts et Spotify.
EN BREF
- Giuliano da Empoli discute du pouvoir et de la montée des leaders atypiques.
- Une observation de la déconnexion entre la puissance intellectuelle et l'intelligence politique.
- Une critique de la réponse technocratique de l'Europe face aux défis contemporains.
Dans l’introduction de l’entretien, Anne Rosencher évoque la complexité du pouvoir, le décrivant comme un “dragon dans le brouillard”, une métaphore évoquant les défis inhérents à sa compréhension et exercice au quotidien. Giuliano da Empoli, lui, partage cette analogie, car au cœur de la politique et du pouvoir, se posent des questions de légitimité, d’agression, et de survie.
L'un des thèmes abordés est la façon dont des leaders comme Donald Trump réussissent à capter et à manipuler l’époque actuelle. Ce dernier, se vantant d’ignorer les conseils et les lectures sérieuses, apparaît paradoxalement en phase avec son auditoire. Mais quel est exactement cet "esprit de l'époque" ? Et pourquoi l’Europe semble-t-elle souvent déconnectée des préoccupations et attentes des citoyens ? Ces interrogations soulignent une tendance alarmante dans le discours politique européen qui, selon da Empoli, se concentre trop souvent sur des aspects techniques, négligeant la profondeur idéologique nécessaire.
En état de fait, Giuliano da Empoli avance qu'il existe une distinction fondamentale entre les compétences académiques et l’intelligence politique. Leurs chemins, selon lui, s'éloignent souvent : "Il n’y a pratiquement aucune relation entre la puissance intellectuelle et l'intelligence politique." Ce décrochage est illustré par des figures historiques telles que Winston Churchill, qui a mené des décisions impulsives qui, selon certains observateurs, ont permis de gagner des batailles cruciales, face à des adversaires qui ont échoué sous le poids de leur propre intellect.
Le débat pourrait s’étendre à la manière dont l’Europe, à l'ère des défis technologiques et environnementaux, tergiverse. Les leaders européens sont souvent critiques à l'égard d'approches qui privilégient le numérique et la législation technique. À cet égard, da Empoli souligne que l’Europe a construit sa légitimité par l’ennui, rassemblant les nations autour d'accords dysfonctionnels, sans saisir les désirs profonds des peuples, ce qui pourrait causer des fractures de confiance.
En réponse aux tendances actuelles de "techno-césarisme", il rappelle que certains leaders contemporains surfent sur une vague de retour aux racines, une approche qui fait écho à des formes plus anciennes de pouvoir, ancrées dans le nationalisme et le populisme.
Mais la question demeure : comment l’Europe se repositionne-t-elle face à ces preneurs de pouvoir ? L’enjeu réside dans la capacité des dirigeants européens à défendre une vision qui a du sens pour les citoyens, plutôt qu'une mouvance technique déshumanisée.
Giuliano da Empoli conclut, en menant à une réflexion plus large sur le futur : le discours "Take back control" doit être adapté, une nécessité où le politique reprend un sens. En mettant l’accent sur le symbolique et l’humanité, l’Europe peut redéfinir son rôle sur la scène internationale.
En somme, cette discussion souligne une réalité préoccupante : le pouvoir en politique requiert plus qu’une simple application de règles. Il doit s’accompagner d’une vision claire et engageante. Que les leaders prennent conscience que, parfois, ce sont des décisions rapides, voire urgentes, qui peuvent réellement faire avancer les choses et reconnecter l'Europe à ses citoyens.