Home ActusNews Quand Disney s'invite en classe : un regard sur les enjeux de santé mentale en France

Quand Disney s'invite en classe : un regard sur les enjeux de santé mentale en France

by Matthieu Dourtou
Disney en Classe : Explorer la Santé Mentale à Travers le Prisme de l'Imaginaire

Ce jeudi 9 octobre, lors d'une conférence de presse particulièrement attendue, Hélène Etzi, présidente de la branche française des studios Walt Disney, a ouvert les échanges avec un ton dynamique et enthousiaste. Ce moment, marqué par la présence de trois représentants du gouvernement, visait à annoncer le lancement d'une campagne dédiée à la santé mentale. Place à l'innovation, à la sensibilisation, et surtout à la communication, avec une initiative qui questionne le rapport entre le divertissement et la santé mentale des jeunes.

EN BREF

  • Disney France lance une campagne de sensibilisation sur la santé mentale, en partenariat avec le gouvernement.
  • Des personnages du film Vice-Versa seront mis en avant pour évoquer les émotions auprès des enfants.
  • Des critiques soulignent le risque d'une instrumentalisation commerciale de la santé mentale.

A compter de ce vendredi, tous les écoliers de France, de la classe de CP à la 6e, ainsi que leurs parents, recevront un prospectus portant le logo de l'entreprise. De plus, des spots publicitaires créés autour des personnages emblématiques de Disney seront diffusés à la télévision, sur les réseaux sociaux et même dans certains hôpitaux. Cette initiative inédite a pour but d'élever la voix des jeunes sur leurs émotions et d'atténuer la stigmatisation qui entoure les sujets de santé mentale.

Une initiative audacieuse mais controversée

La campagne s'appuie sur les héros du film Vice-Versa, qui aborde les émotions à travers des personnages animés. L'œuvre, couronnée par un Oscar, a trouvé sa place dans le cœur des enfants et des enseignants, qui l'utilisent déjà comme support pédagogique. En effet, plus de 8 millions de spectateurs en France ont visionné le second opus, sorti en 2024, témoignant d'un succès notable et d'un impact considérable sur les plus jeunes.

Charles Edouard NotreDame, psychiatre spécialisé dans la santé des enfants et coordonnateur d'un programme de prévention du suicide, souligne l'importance de ce film :

"Vice versa met en scène les émotions d'une jeune protagoniste sous la forme de petites créatures dans sa tête, représentant la joie, la tristesse, la peur, le dégoût, la colère et la surprise. C'est un film assez juste sur le plan scientifique."

Pendant ce temps, d'autres professionnels de santé émettent des doutes. Pour eux, l'association avec une multinationale du divertissement pourrait brouiller le message essentiel à transmettre. Alors que Hélène Etzi reste optimiste, des avis plus critiques s'expriment. Hugo Peyre, pédopsychiatre, note que “cette stratégie commerciale” réserve des risques allant jusqu'à la simplification des véritables problématiques de santé mentale.

Les risques d'instrumentalisation commerciale

Certes, Disney, avec sa capacité à toucher un large public grâce à ses personnages, représente une opportunité unique pour sensibiliser. Toutefois, la question de l'instrumentalisation commerciale se pose et alimente les débats au sein de la communauté scientifique. Wissam El Hage, responsable du Centre régional de psychotraumatologie, évoque un risque d'« enfantillage » des enjeux de santé.

Michaël Nathan, directeur du Service d’information du Gouvernement, défend cette approche en signalant qu'il ne s'agit pas d'une première mais d'une volonté d'établir des partenariats avec le secteur privé, accentuant l'effet de levier que cela représente en matière de sensibilisation.

Des représentations parfois éloignées de la réalité

Cependant, la filmographie Disney n'est pas toujours exempte de critiques en matière de représentation des émotions et des relations humaines. Comme noté par des chercheurs, ces productions soulèvent des inquiétudes quant aux stéréotypes véhiculés et à leurs impacts sur l'estime de soi des jeunes. La notion de beauté et les attentes irréalistes qui en découlent peuvent altérer la perception qu'ont les enfants d'eux-mêmes.

Les experts s'accordent à dire que, bien que l'initiative soit louable, elle peut être perçue comme décalée par rapport aux véritables besoins de la pédopsychiatrie. Richard Delorme, responsable d'un service hospitalier, souligne que les bonnes intentions ne suffisent pas à compenser les manques de moyens dans ce secteur crucial.

Vers un avenir prometteur ou commercial ?

Lors de cette conférence de presse, Hélène Etzi affirmait la volonté de Disney de participer à l'éducation émotionnelle des enfants, en reliant divertissement et développement culturel. Néanmoins, une question persiste : pourra-t-on vraiment juger de l’efficacité de cette campagne sur la perception des émotions chez les jeunes ? Alors que ce projet soulève de nombreuses interrogations, le paysage de la santé mentale en France continue d'évoluer.

Il semblerait que, face à l'angoisse des enfants concernant leurs émotions, Disney réussisse à résonner en eux, mais il faudra aussi veiller à ce que le message ne se perde pas dans la vaste mer commerciale du divertissement. Dans un monde où la santé mentale mérite une attention accrue, des initiatives comme celle-ci doivent être abordées avec prudence et responsabilité.

Vous aimerez aussi