Home ActusNews « Reconnaissance de la Palestine : quelles conséquences pour la France et la région ? »

« Reconnaissance de la Palestine : quelles conséquences pour la France et la région ? »

by Matthieu Dourtou
Impact de la Reconnaissance de la Palestine : Répercussions sur la France et le Moyen-Orient

Après des décennies de tergiversations, la France a officiellement reconnu l’État de Palestine lundi soir au siège des Nations Unies à New York, en présence de plus de 140 chefs d’État et de gouvernement. Ce geste marque un tournant symbolique dans la diplomatie française vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Néanmoins, les implications sur le terrain restent à nuancer.

EN BREF

  • La France a reconnu l'État de Palestine, un tournant symbolique dans sa diplomatie.
  • Le vocabulaire gouvernemental doit changer, remplaçant "territoires palestiniens occupés" par "Palestine".
  • Aucune avancée concrète sur le statut d'État membre de l’ONU n’est prévue à court terme.

Désormais, le gouvernement français devra adapter son discours. Par exemple, les territoires palestiniens occupés ne seront plus désignés comme tels, mais simplement appelés Palestine. Cette changement sera visible dans les déclarations officielles et sur les sites gouvernementaux, notamment ceux concernant les conseils aux voyageurs.

Pourtant, au-delà de la formalité, le professeur de droit international à l’Université Libre de Bruxelles, François Dubuisson, souligne que “sur le terrain, rien ne va changer”. L'installation d'une ambassade pour la Palestine, bien que désormais envisageable, ne figure pas parmi les priorités actuelles. La France dispose d'un consulat général à Jérusalem, exerçant des fonctions quasi identiques à une ambassade, en représentant l’Autorité palestinienne et en délivrant des visas. Toutefois, il est à noter que le président a conditionné la création d'une ambassade à la libération des otages détenus à Gaza par le Hamas.

En ce qui concerne la mission diplomatique de la Palestine en France, située dans le XVe arrondissement de Paris, celle-ci pourrait devenir une ambassade. Toutefois, selon Insaf Rezagui, docteure en droit international à l’Université Paris Cité, ce changement serait essentiellement nominal, car la déléguée, Hala Abou-Hassira, possède déjà le titre d'ambassadrice depuis 2010.

Un statut d'État membre encore incertain

Quant à la possibilité pour la Palestine d'obtenir le statut d'État membre de l'ONU, la situation demeure complexe. Bien que 140 pays, y compris le Brésil, la Chine, et la Russie, soutiennent cette demande, la réserve des États-Unis reste un obstacle majeur. Une nouvelle demande d'adhésion devrait être formulée en avril 2024, mais tant que le veto américain perdure, la Palestine restera en statut d'État observateur permanent.

François Dubuisson ajoute que le geste de reconnaissance n’a de véritable portée que si la France s’engage à créer les conditions d’une souveraineté effective pour l’État palestinien. Il souligne le cas de la Belgique, qui a également reconnu la Palestine tout en appliquant des sanctions contre le gouvernement israélien. Ces mesures incluent l’interdiction d’importation des produits issus des colonies et des restrictions sur l’assistance consulaire aux Belges vivant dans ces territoires.

À la différence, Emmanuel Macron ne semble pas envisager de mesures similaires dans l’immédiat. Selon Insaf Rezagui, des sanctions au niveau des Nations Unies ou européennes seraient nécessaires pour rendre l'existence d'un État palestinien réelle, arguant que “proclamer un État ne suffit pas, il faut le faire exister”.

Cependant, la reconnaissance par la France engage le pays à faire respecter les droits de la Palestine en tant qu'entité. Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po, rappelle que cette reconnaissance n’est pas symbolique, mais un levier diplomatique crucial pour parvenir à la solution envisagée des deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité.

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