La transmission des entreprises familiales en France soulève des enjeux cruciaux. Alors que notre pays se distingue par un taux de transmission intrafamiliale oscillant entre 14 % et 20 %, nos voisins, tels que l’Allemagne (50 %) et l’Italie (70 %), affichent des performances nettement supérieures. Ce constat alarmant a été soulevé par Philippe Grodner et Caroline Mathieu, respectivement président et déléguée générale du Family Business Network France. Pour eux, ce déficit risque de fragiliser notre économie, entraînant la disparition de nombreuses compétences, brevets et emplois. Les entreprises familiales ne réclament pas des avantages particuliers, mais plutôt une reconnaissance et un cadre propice à leur développement.
EN BREF
- La France a un faible taux de transmission d'entreprises familiales, entre 14 % et 20 %.
- Des leaders d'entreprises familiales partagent leur approche pour réussir cette transition.
- Investir dans un cadre favorable est essentiel pour pérenniser les PME familiales.
Un enjeu de préparation et de vision
En matière de transmission, la préparation est une priorité. Jean-Charles Decaux, le codirecteur général de JCDecaux, voit dans ce défi une réelle opportunité. “C’est une affaire d’exécution,”</em explique-t-il. Il insiste sur la nécessité de sélectionner les talents adéquats, qu'ils soient membres de la famille ou pas. L'intérêt de l'entreprise doit primer, et un choix judicieusement mûri peut impliquer même un dirigeant extérieur.
La second étape, selon lui, est l'acculturation des futurs dirigeants sur une période prolongée, idéalement 10 ans. Comprendre les enjeux, les métiers et les parties prenantes est fondamental pour établir leur légitimité. Chez JCDecaux, les membres de la famille ont été exposés à des défis et des réussites à l’international pour se préparer à prendre la relève.
Enfin, le timing est décisif. Comme le rappellent les anciens Grecs, choisir le bon moment est crucial. Un passage de témoin réfléchi garantit non seulement la survie de l'entreprise, mais également son développement futur.
Investir pour le futurs des entreprises familiales
Alexandre Ricard, PDG de Pernod Ricard, souligne une autre vertu des entreprises familiales : la capacité à investir dans la durabilité. Sa société, leader mondial des spiritueux, a toujours misé sur une stratégie de croissance à long terme. Ce choix a permis de construire une relation de confiance avec les actionnaires, caractérisée par un contrat moral : stabilité et volonté d'investissement en échange de confiance réciproque.
Les dividendes jouent un rôle clef dans cet équilibre. Ils assurent un partage équitable de la richesse créée, soutenant ainsi employés, territoires et actionnaires. Pour Alexandre Ricard, il est essentiel d'avoir cette approche pour garantir une vision à long terme. La SA Paul Ricard, par exemple, réinvestit ses dividendes dans Pernod Ricard afin de renforcer son rôle d'actionnaire de référence et de respecter les valeurs transmises par son fondateur.
Des histoires inspirantes
La direction d’OPmobility, précédemment connue sous le nom de Plastic Omnium, par Laurent et Félicie Burelle, est un exemple d'engagement envers le capital industriel français. La compagnie, fondée en 1946, aspire à se développer comme un fleuron du Mittelstand en investissant et innovant, tout en gardant un œil sur l'internationalisation.
Félicie Burelle met en évidence l’importance d’un cadre législatif et fiscal favorable, car cela pourrait inciter les générations futures à s'engager dans des initiatives entrepreneuriales. La crainte d'une stigmatisation de l’effort et de la réussite pourrait dissuader les entrepreneurs potentiels, ce qui serait regrettable pour l'économie française.
Philippe et Nicolas Houzé, du groupe Galeries Lafayette, partagent également leur expérience. En neuf ans, Nicolas a succédé à son père, Philippe, ayant eu l’opportunité de se former au sein de l’entreprise pendant plus de 25 ans. Philippe a encouragé son fils à s'affirmer, établissant une méthode de transmission où l’autorité s'accompagne de confiance et de collaboration.
Ce type de passation familial renforce la résilience de l'entreprise face aux crises, comme l’atteste leur histoire récente. Le lien de parenté ajoute une dimension de complicité, bénéfique pour la pérennité de l’entreprise. Le contrôle familial est un atout majeur, permettant une vision sereine à long terme.
Les histoires de ces dirigeants illustrent à quel point la transmission peut devenir un atout pour le futur des entreprises familiales. Un cadre adapté et une préparation minutieuse constituent les fondations sur lesquelles se bâtissent des histoires de succès durable, prêts à porter le flambeau pour les générations futures.