Guerre en Ukraine : un parcours complexe pour les familles de soldats
Depuis le début du conflit entre l'Ukraine et la Russie, la douleur infligée par la guerre se mesure également à la difficulté d'identifier les soldats décédés. Chaque échange de dépouilles entre les deux pays s'accompagne d'un processus long et éprouvant, tant pour les proches des victimes que pour les professionnels chargés de cette lourde mission.
EN BREF
- Identifications de soldats ukrainiens retournées par la Russie, un processus complexe et long.
- Les familles attendent avec anxiété des nouvelles de leurs proches disparus.
- Le gouvernement ukrainien se bat pour améliorer l'efficacité de cesidentifications.
Yurii Poliuk, directeur de l'institut médico-légal, est en première ligne de cette opération sans précédent. Dans des wagons frigorifiques remplis de corps, il supervise l'identification de plus de 1 000 soldats. "C'est la première fois que notre pays affronte une telle situation", déplore-t-il.
Le processus d'identification commence par l'analyse des empreintes digitales et des signes distinctifs, comme les alliances ou les insignes militaires. Chaque détail compte. Malheureusement, de nombreux corps sont dans un état de décomposition avancé, rendant l'identification d'autant plus complexe. "Certains corps sont tellement abîmés qu'on ne peut faire appel qu'à l'ADN", explique Poliuk.
À Kiev, la situation n'est guère plus simple. Inna Druchinina, spécialiste de l'ADN, se bat elle aussi contre le temps. "La semaine dernière, j'ai analysé les os d'un même sac mortuaire, mais il y avait trois ADN différents", raconte-t-elle. L'Ukraine accuse la Russie de compliquer délibérément ce processus d'identification. Au total, 15 000 corps d'Ukrainiens ont déjà été rapatriés.
La détresse des familles est palpable. Dans les bureaux du ministère, les portraits des soldats disparus sont omniprésents. Artur Dobroserdov, chargé de mission pour les disparus de guerre, admet que l'administration est submergée : "Il nous faudra au moins 14 mois pour identifier tous les corps", déclare-t-il, tout en précisant que des experts étrangers sont sollicités pour accélérer le processus.
La famille Zaïka, par exemple, a attendu des nouvelles de Ruslan, un soldat de 30 ans, disparu dans l’Est du pays. Après des mois d'angoisse, son corps a été identifié grâce à des tests ADN. "Quand on nous a appelés, tout s'est effondré", se rappelle sa mère, Natalia, avec émotion. "On espérait qu'il y ait une erreur." Aujourd'hui, Ruslan repose dans son village natal, apportant un semblant de paix à la famille.
"Au moins maintenant, on sait où il est. Et cela, c'est ce qu'il aurait voulu", confie Valentina, l'épouse de Ruslan, tandis que Natalia évoque la peur de voir son fils laisser son corps sur le champ de bataille. Ce qui, pour les familles, reste une source interminable de douleur et de questions.
En parallèle, l'Ukraine continue d'échanger des dépouilles de soldats russes, une des rares avenues de coopération entre les deux nations en guerre. Le chemin reste long pour les victimes de ce conflit, tant sur le plan humain que dans le processus de réconciliation.