Une affaire de corruption de grande ampleur secoue le paysage politique britannique. L'ancien député européen Nathan Gill, membre du parti pro-Brexit UKIP, a été condamné, ce vendredi à Londres, à dix ans de prison pour son rôle dans une campagne d’influence pro-russe au Parlement européen. Ce scandale touche également son ancien collègue, Nigel Farage, figures emblématiques du brexit.
EN BREF
- Nathan Gill condamné à dix ans de prison pour corruption liée à une campagne pro-russe.
- Il a accepté des dizaines de milliers de livres sterling pour promouvoir les intérêts russes au Parlement européen.
- Cette affaire interpelle les dirigeants du Reform UK et soulève des questions sur la sécurité nationale britannique.
Nathan Gill, âgé de 52 ans, a été député européen de 2014 à 2020, d’abord sous l’étiquette du UKIP, puis du Brexit Party. Dans la foulée du brexit, il a pris la tête de Reform UK au Pays de Galles en 2021, bien qu'il ne soit plus membre actif de ce parti dirigé par Nigel Farage, qui domine actuellement les sondages au Royaume-Uni.
Des dizaines de milliers de livres sterling en espèces
La juge, dans sa condamnation, a affirmé que les actions de Nathan Gill avaient « érodé la confiance du public dans la démocratie » et constituaient « une grave trahison » envers les électeurs. Ce dernier a reconnu avoir accepté des sommes dépassant plusieurs dizaines de milliers de livres sterling en espèces en échange de discours et de déclarations favorables aux intérêts russes entre 2018 et 2019.
En délivrant sa sentence, la juge a précisé que Gill avait « avancé des arguments en faveur des intérêts russes concernant l’Ukraine » dans des interventions publiques. La juge a également déclaré : « Votre conduite a fondamentalement compromis l'intégrité d'un organe législatif supranational ».
Un responsable de l’accusation a mis en lumière un discours prononcé par Gill au Parlement européen le 12 décembre 2018, qui s'appuyait sur des notes fournies par Oleg Volochine, un politicien ukrainien pro-russe. Les fonds perçus par Gill provenaient d’un homme d’affaires ukrainien proche du Kremlin, Viktor Medvedtchouk. Pour chaque acte en faveur de Volochine, il était rémunéré à hauteur de plusieurs milliers de livres, souvent estimé autour de 5 000 livres sterling ou euros.
Arrêté juste avant un vol pour la Russie
Le 30 janvier 2020, Gill reçoit de Volochine des remerciements de « V », identifié par les enquêteurs comme Viktor Medvedtchouk. Le lendemain, il quitte ses fonctions au Parlement en raison de la mise en œuvre du brexit. Ce ne sera que le 13 septembre 2021 qu'il sera arrêté à l’aéroport de Manchester, alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol à destination de la Russie.
Des messages WhatsApp échangés avec Oleg Volochine, retrouvés sur son téléphone, faisaient référence à des « cadeaux de Noël promis », à des « cartes postales » et à des « 5K », en lien avec ses rémunérations. Dans un message, Gill avait exprimé sa satisfaction après un discours : « Impressionnant (...) Vous êtes un parfait orateur », témoignant de la complicité qui régnait entre eux.
L’affaire, par sa gravité et la lourdeur de la peine prononcée, place Reform UK et Nigel Farage dans une situation délicate. Al Carns, secrétaire d’État aux Forces armées, a appelé à une enquête indépendante pour garantir l'absence de tout lien pro-russe au sein de son parti. Pour Ed Davey, chef du parti Libéral Démocrate, il s’agit d’une situation alarmante, affirmant qu’un « traître » était à la tête de Reform UK, plaçant ainsi Farage et son mouvement comme un danger potentiel pour la sécurité nationale britannique.
Un porte-parole de Reform UK a qualifié les actes de Gill de « trahison » et d’« impardonnables », se félicitant de la justice rendue et saluant la peine infligée. De son côté, Nigel Farage, souvent critiqué pour sa proximité avec Moscou, s’est dit « stupéfait » par les révélations concernant Nathan Gill, affirmant ne pas avoir été informé de ces agissements inappropriés, se limitant à savoir que celui-ci s’était rendu en Ukraine.