Home ActusNews « Un trou noir légal » : l'expulsion d'immigrés sans-papiers vers l'Eswatini expliquée

« Un trou noir légal » : l'expulsion d'immigrés sans-papiers vers l'Eswatini expliquée

by Matthieu Dourtou
« Exil clandestin : l'envers de l'expulsion vers l'Eswatini »

La famille de Roberto Mosquera, un Cubain de 58 ans, est dans l’incertitude depuis son arrestation par les agents de l’immigration américaine. Ce mardi, des informations du gouvernement des États-Unis ont révélé qu'il a été expulsé vers l'Eswatini, un petit royaume situé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique.

EN BREF

  • Roberto Mosquera, un Cubain, a été expulsé vers l'Eswatini après son arrestation aux États-Unis.
  • Un accord controversé permet l'expulsion de jusqu'à 160 personnes vers ce pays.
  • Les expulsés sont incarcérés sans avocat et reportés à un traitement inhumain.

Le 13 juin, au cours d’un contrôle de routine à Miramar, en Floride, Roberto Mosquera a été interpellé par les agents de la police américaine de l’immigration et des douanes (ICE). Sa famille, qui avait perdu tout contact avec lui, a d'abord cru qu'il avait été renvoyé à son pays natal, Cuba, qu'il avait quitté à l'âge de 13 ans. Cependant, le 16 juillet, une proche a eu la surprise de le reconnaître sur une photo diffusée en ligne par Tricia McLaughlin, porte-parole du ministère américain de la Sécurité intérieure, qui annonçait son transfert ainsi que celui de quatre autres personnes vers l'Eswatini, à plus de 13 000 km de la Floride.

Des expulsions en forte hausse

Les États-Unis ont mis en place des accords visant à expulser des ressortissants d'autres nations vers l'Eswatini. Selon des sources, jusqu'à 160 personnes, notamment des Cubains, des Jamaïcains et des Vietnamiens, pourraient être concernées par ces renvois. En échange de cette coopération, les États-Unis ont promis plus de 5 millions de dollars à l'Eswatini pour renforcer ses capacités en matière de gestion des frontières et de l’immigration.

D’ailleurs, le 6 octobre, dix nouvelles personnes ont déjà été expulsées vers Mbabane, la capitale d'Eswatini.

Conditions alarmantes pour les expulsés

Washington affirme que ces hommes sont des criminels dangereux, coupables de crimes graves, allant du meurtre au viol. Toutefois, les avocats et familles affirment qu’ils avaient purgé leurs peines et vécu librement aux États-Unis durant des années. À leur arrivée, ces individus ont été incarcérés dans une prison de haute sécurité à proximité de Mbabane, sans accès à un avocat ou à une représentation légale.

Certaines familles rapportent que leurs proches ne peuvent communiquer qu'avec eux par des appels vidéo de courte durée, sous important contrôle. Selon Tin Thanh Nguyen, avocat d'un des expulsés, ces personnes se retrouvent dans « un trou noir légal ».

Des accusations sévères et des récits à charge

La porte-parole du ministère américain, McLaughlin, a décrit les expulsés comme des « individus d'une barbarie unique », laissant sous-entendre qu'ils seraient responsables de crimes monstres. Roberto Mosquera a, par le passé, été reconnu coupable de tentative de meurtre, mais des proches défendent son parcours depuis sa sortie de prison en 1996. Ada, une proche de la famille, insiste qu'il a changé de vie, s'étant marié et ayant quatre enfants qui l'adorent. « Il n'a rien d'un monstre » soutient-elle, contestant la présentation faite par le gouvernement américain.

Un enjeu d'égarement international

Les expulsions vers l'Eswatini s'inscrivent dans une politique plus large du gouvernement américain, cherchant à renvoyer des sans-papiers vers des « pays tiers » dans le cadre d'accords critiqués par les défenseurs des droits humains. Des détails sur ces accords restent flous, et l'Eswatini, gouvernée par le roi Mswati III, propose un retour de tous les expulsés, mais pour l'instant, seulement un Jamaïcain a été réintégré.

Orville Etoria, le Jamaïcain rapatrié, tente de s’adapter à un pays qu’il a quitté il y a des décennies, tandis que les autres restent prisonniers, sans perspective de sortie. Accusés de crimes, ils sont traités comme des pions dans un jeu cruel d'échange entre nations. Les familles de ces expulsés vivent dans l'inquiétude, craignant pour leur bien-être et appelant à la transparence de la part des autorités.

La dernière fois qu’Ada a pu voir Roberto lors d'un appel vidéo, il semblait en bien mauvaise forme. « On en souffre tous », a-t-elle confié, soulignant la détresse qui règne autour de cette situation. Ce sort infligé à des hommes qui cherchent un nouveau départ pose question sur la nature de la justice et de la solidarité internationale.

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