Vingt ans après le drame de Clichy-sous-Bois : le frère de Bouna témoigne

Le 27 octobre 2005, deux adolescents de Clichy-sous-Bois, Zyed Benna et Bouna Traoré, trouvaient la mort par électrocution en tentant d'échapper à la police. Ce mardi, Hademou Traoré, le frère de Bouna, revient sur ce tragique événement qui a marqué à jamais l'histoire de son quartier et qui a engendré de violentes émeutes à travers le pays. Aujourd'hui, vingt ans plus tard, il évoque sa douleur, ses souvenirs et son engagement envers la jeunesse.

Cette année, en mémoire de ses frères disparus, un arbre a été planté devant le collège où ils étaient scolarisés, un geste symbolique qui incarne la vie qui continue malgré le chagrin et le souvenir de pertes inexorables. La tragédie de Bouna et Zyed n'est pas simplement un fait divers, mais un point de bascule qui a marqué la conscience collective d'une génération. Hademou Traoré, âgé de 32 ans aujourd'hui, témoigne avec une douceur mélancolique mais aussi avec une force intérieure indéniable.

La passion d’Hademou pour le football a été cruciale dans ce processus de résilience. Ancien joueur ayant fait ses preuves au FC Nantes et au Paris FC, il est actuellement responsable d'une équipe locale. "J'enseigne maintenant, je suis devenu éducateur pour partager ma passion avec les plus jeunes," déclare-t-il. Ce sport lui permet de se reconnecter à sa communauté et de donner un sens à sa propre douleur au travers de l'espoir qu'il insuffle.

Évoquant le jour où il apprend le décès de son frère, Hademou révèle l'état d'errance dans lequel il est plongé : "Je ne savais pas quoi penser. Tu réalises petit à petit qu'il ne fait plus partie de cette vie." Un processus douloureux, qui fait écho à ce que de nombreuses familles traversent dans des situations similaires. La voix d'Hademou se teinte d'émotion : "Le deuil, c'est un mot que l'on pourrait sortir du dictionnaire. Mais pour ceux qui en font l'expérience, le mot prend tout son sens."

Au fil des ans, la mémoire de Bouna reste vive dans l'esprit d'Hademou. "Je ne garde que du positif," insiste-t-il, son sourire et sa gentillesse demeurent des sources d'inspiration. Cela fait maintenant deux décennies que Bouna est tragiquement disparu, mais son héritage continue d'influencer son petit frère. "Il est toujours dans mes pensées, cela reste une force pour moi."

Sur les événements qui ont suivi la mort de son frère, Hademou ne cache pas son incompréhension face aux violences et aux destructions qui ont eu lieu : "C'était difficile de comprendre. C'était peut-être la colère de se sentir invisibles. On n'est pas des objets jetables." Dans ce lot, il reçoit le soutien indéfectible de la communauté qui s'est unie dans la douleur.

Hadémou Traoré

"La police, on la voit tous les jours, il y a des sentiments partagés. Mais vivre ailleurs m'a aidé à voir les choses sous un autre angle et à transformer ma colère en quelque chose de positif."

Hademou exprime des inquiétudes pour la jeunesse actuelle, toujours plus exposée aux dérives des réseaux sociaux et aux tensions avec les forces de l'ordre. "Je pense à Nahel, à Adama... C'est un nouveau combat," constate-t-il, conscient que tant de choses restent à changer pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise.

Aujourd'hui, il jongle entre sa passion pour le football et son activité de restauration avec son food-truck, où il propose des "hot-dogs gourmets un peu revisités,” comme une manière de bâtir des ponts avec les jeunes qu'il côtoie. "C'est important de redonner à cette ville tout ce qu'elle m'a appris," conclut-il avec conviction. Sa détermination à agir pour sa communauté reste intacte, même face à l’adversité persistante. La mémoire de Bouna continue de vivre à travers lui et les actions qu'il entreprend pour contribuer à un avenir meilleur.